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PORT-ROYAL

recevoir avec des témoignages extérieurs de civilité et de respect. Après que nous y eûmes fait notre prière, nous en sortîmes ; et M. Du Val, docteur de Sorbonne, que je connoissois fort, me vint trouver, et me dit que toutes les religieuses de Pontoise m’offroient leurs maisons. Je lui dis que, pour agir avec prudence, je ne devois pas accepter leurs offres, et qu’il falloit que je me retirasse en une maison particulière, où l’on pût dire qu’étoient les religieuses de Maubuisson. Aussitôt M. le grand-vicaire et official, qui étoit un sage ecclésiastique, m’offrit la sienne, que j’acceptai ; il se retira dans une autre, et de cette sorte nous logeâmes dans l’Officialité : ce que nous fîmes d’autant plus volontiers que c’étoit une maison de l’Église.»

Cependant un exprès de la mère Angélique, dépêché à Paris dès le commencement de ce trouble, allait avertir sa famille en toute hâte. À défaut de son père absent, son frère (depuis évêque d’Angers) présente aussitôt requête à la Chambre des Vacations, et obtient, avec un décret de prise de corps contre madame d’Estrées, un Arrêt pour rétablir la mère Angélique à Maubuisson :

«Dès le jour même, après dîner, Defontis, chevalier du Guet, vint à Maubuisson avec le Décret, et nombre d’archers armés, qui avoient même des cuirasses. Cela obligea madame d’Estrées et le comte de Sanzai de s’enfuir avec tant de précipitation qu’elle laissa sa cassette, où je trouvai quelques papiers importants. Les archers me vinrent quérir à Pontoise ; et je partis à pied, comme j’étois venue, avec mes filles. Tous les curés de la ville nous accompagnèrent, et grand nombre de peuple, qui nous aimoit à cause des charités que nous leur faisions. Les archers étoient à cheval à nos deux côtés.»

Ce qu’elle ne dit pas, la mère Angélique de Saint-Jean, dans un récit détaillé des mêmes faits[1], y supplée : c’est à dix heures du soir qu’eut lieu cette procession

  1. Mémoires pour servir, etc., t. I, p. 179.