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DISCOURS PRÉLIMINAIRE.

l’issue. Entre tant de causes qui amenèrent un résultat si étrange en apparence, la destinée de Port-Royal doit être pour beaucoup. Une connaissance approfondie des doctrines de ceux que l’on comprend sous ce nom, des obstacles qu’ils rencontrèrent, de la ruine de leurs projets, et de la fausse voie, je le crains, où la persécution les poussa, est faite pour éclairer cette grande question de la marche générale des idées, qu’il ne faut jamais aborder, autant qu’on le peut, que par des aspects précis.

Port-Royal, ai-je dit, ne fut pas un effort isolé. Quelques mots d’énumération sur l’ensemble et la diversité des efforts religieux qui se tentèrent en France à cette époque, dès ce commencement du dix-septième siècle, serviront à mieux environner dans vos esprits, à mieux situer par avance le point de départ et les circonstances premières de l’entreprise même, à l’histoire particulière de laquelle nous nous consacrerons.

Vers 1611, trois hommes se trouvèrent réunis un jour pour consulter sur ce que leur suggérerait la volonté de Dieu par rapport à la restauration de l’Église. Après s’être mis tous trois en prière et en méditation, l’un d’eux, le plus âgé, M. de Bérulle, dit que ce qui venait de lui paraître avant tout désirable était une Congrégation de prêtres savants et vertueux, capables d’édifier par leurs actions, par leurs paroles et leur enseignement. Le second, M. Vincent (de Paul), dit que ce qui lui avait paru le plus urgent, eu égard à l’ignorance et au paganisme véritable des gens de campagne, c’était de fonder une Compagnie d’ouvriers apostoliques et de prêtres de mission pour rapprendre le Christianisme aux peuples ; et le troisième, M. Bourdoise, dit que ce qui lui avait été inspiré en ce moment et dès l’enfance, c’était de rétablir la discipline et la régularité dans la Cléricature et, à cet effet, de faire vivre en commun les