Page:Sainte-Beuve - Port-Royal, t1, 1878.djvu/236

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
222
PORT-ROYAL.

plus aisées, compatibles toutefois avec la sainteté même. S’il avait été obligé de ne choisir qu’un mot dans tout l’Évangile, il se fût décidé, je m’imagine, pour le Sinite parvulos ad me venire. Jansénius, au contraire, ouvrait sa doctrine par insister, au moins inutilement et désagréablement, sur la damnation des enfants morts sans baptême[1].

  1. On lira, lors de la fondation des Écoles de Port-Royal, les graves pensées de M. de Saint-Cyran sur l’enfance. Voici, en attendant, un bien gracieux tableau de saint François de Sales faisant le Catéchisme aux enfants : je l’emprunte à sa Vie par le Révérend Père Louis de La Rivière, minime et son disciple trop peu connu en style fleuri ; « Tous les dimanches et au temps de Caresme les samedis après disner, il enseignoit le Catéchisme aux petits enfants, avant quoy environ une heure, un héraut fesoit le tour de la ville, couvert d’une casaque violette, sonnant une clochette et criant : À la Doctrine chrestienne, à la Doctrine chrestienne, on vous enseignera le chemin de Paradis. J’ay eu l’honneur de participer à ce beny Catéchisme, oncques je ne vis pareil spectacle : cet aymable et vrayement bon Père estoit assis comme sur un throsne, eslevé de quelque cinq degrés ; toute l’armée enfantine l’environnoit, et grand nombre des plus qualifiez qui n’avoient garde de desdaigner d’y venir prendre la pasture spirituelle. C’estoit un contentement non-pareil d’ouyr combien familièrement il exposoit les rudiments de nostre foy ; à chasque propos les riches comparaisons luy naissoient en la bouche pour s’exprimer ; il regardoit son petit monde, et son petit monde le regardoit ; il se rendoit enfant avec eux pour former en eux l’homme intérieur et l’homme parfait selon Jésus-Christ… » Et encore : « Spécialement il sembloit estre en son élément lorsqu’il se rencontroit au milieu des petits enfants ; là estoient ses délices et menus plaisirs ; il les caressoit et mignardoit avec un sous-ris et un maintien si gracieux que rieu plus. Eux pareillement s’accostoient de luy en toute privante et confiance ; rarement sortoit-il de son logis sans se voir soudainement environné de cette troupe agneline, laquelle le recognoissant pour son aymable berger, luy venoit demander sa bénédiction. Quelques fois ses serviteurs menaçoient les enfants et leur fesoient signe de se retirer, craignans qu’ils ne l’importunassent ; mais quand il s’en advisoit, il les reprenoit tout doucemont et leur disoit de si bonne grâce : « Hé ! laissez-les, laissez-les venir ; » puis les mignottant et les flattant de sa main sur la joue : « Voicy mon petit mesnage (fesoit-il) c’est mon petit mes-