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PORT-ROYAL.

La mère Angélique sentait de même ; dans une de ses lettres de Maubuisson à madame de Chantal on lit :


« Le bon M. de Bellay, qui m’a écrit, est venu ; je l’aime bien parce qu’il est bon ; mais il me brouille encore 1 esprit avec ses très-vaines et extravagantes louanges : car mon méchant esprit s’y plaît, et j’ai peine à déchirer ses lettres, qui sont de si beaux panégyriques… Je ne sais si je le dois prier de venir, ou non. Ses sermons émeuvent fort nos anciennes ; pour moi, ils contentent plus la vanité de mon esprit qu’ils ne touchent ma volonté. »


Le bon Camus était déjà (en paroles) de la dévotion aisée du Père Le Moine contre lequel sévira Pascal. Son meilleur livre reste l’Esprit de saint François de Sales, qu’on a bien fait d’émonder pour l’usage courant, mais que je voudrais qu’on pût retrouver entier pour la littérature. Plus ils est éloigné du saint, et plus il a obéi à ses gaietés[1].

  1. Camus aimait la gaudriole, pour lâcher le mot. Il était de ceux qui plaisent aux gens du peuple aussi bien qu’aux philosophes, et de qui l’on dit : « Au moins il n’est pas cagot. » Il eut pour lui tout le petit cercle caustique de Naudé, Gui Patin : celui-ci dans ses lettres le loue à diverses reprises avec sérieux ; il va jusqu’à dire, dans un index autographe et inédit (Bibliothèque Sainte-Geneviève, in-4o, mss. G. L. 3.), à l’année 1584 : Le même jour qu’est mort saint Charles Borromée, grande lumière de l’Église, le 3 novembre, un samedi, est né un autre fort habile homme, et de grande considération dans l’Église, qui est messire Jean-Pierre Camus…, pour avoir courageusement attaqué et combattu par plusieurs bons et excellents livres le superstitieux parti des mauvais moines qui veulent être les maîtres partout. Il est fils de M de Saint-Bonnet, gouverneur d’Étampes. Il a lui-même décrit une partie de sa vie dans le VI tome de son Alexis. Lui-même s’avoue être né ce jour-là dans son Épître dédiée à saint Charles Borromée, de son Acheminement à la Dévotion civile, et lui-même me l’a dit être très vrai le dimanche 14 janvier 1635, que j’eus le bonheur d’entendre sa messe dans la Charité (et) de le voir en son logis… » Et dans ses Lettres : *J’ai ouï autrefois prêcher M. Camus, il méritoit bien un plus grand évêché. Aussi l’a-t-il refusé, et bien des fois. Il étoit trop homme de bien pour être pape. » Amelot