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LIVRE PREMIER.

l’on prend la peine de regarder. Les livres qu’on connaît de loin et de nom ne sont pas un sur dix mille. Au reste, beaucoup de ces défauts de goût en théologie, du moins pour la subtilité et l’emploi alambiqué des métaphores, nous les retrouverons dans M. de Saint-Cyran même, dont le Père Bouhours, en fin jésuite qu’il était, s’est donné le plaisir de citer de longues phrases dans sa Manière de bien penser comme de parfaits modèles du galimatias : c’était de bonne guerre. Port-Royal pourtant demeure l’école qui a fait cesser ce faux goût et qui de bonne heure y a coupé court. Et la gloire, avant Pascal, en revient à Arnauld ; ce grand controversiste qu’on relit aujourd’hui avec peine parce qu’il est sérieux, clair et démonstratif outre mesure, logicien sans pitié, et qu’on le voit venir du bout d’une page à l’autre, Arnauld a rendu ce service éminent. Son livre de la Fréquente Communion publié en 1643, c’est-à-dire treize ans avant les Provinciales est dans son siècle, on l’a remarqué, le premier ouvrage de théologie sainement écrit, sagement pensé (je ne parle pas du fonds de doctrine, mais du train de raisonnement), tout à fait judicieux de déduction et sans rien de ces fadaises séraphiques. On peut dire qu’Arnauld, avec ses quarante volumes in-quarto, a fait digue au débordement de fausse et subtile théologie de la fin du seizième et du commencement du dix-septième siècle ; il en a déshabitué avec Pascal et autant que lui. Il a rendu plus facile ce sens chrétien si droit, si solide et si sûr, des Bossuet et des Bourdaloue. Son

    ques éloges. De tous les emblèmes qui tapissèrent les églises à l’époque de la canonisation du saint, un seul me plaît et suffirait, ce semble, pour l’exprimer en entier : du milieu d’une arcade au-dessus du maître-autel, du sein d’une bordure de gaze d’or, deux pentes de fleurs de lis blancs avec cette devise : Pascitur inter lilia qui floruit ut lilium ; il vit maintenant parmi les lis angéliques, celui qui lut un lis sur la terre.