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LIVRE PREMIER.

desseins de celui-ci changèrent, et il alla, sur le conseil de l’évêque de Bayonne, recommencer sa théologie à Louvain, fameuse école, récemment encore illustrée par les combats sur la Grâce des Baïus, des Lessius. Il ne paraît pas certain qu’il y connut Jansénius ; du moins ce ne fut que plus tard à Paris qu’ils se lièrent. Le jeune de Hauranne étudia à Louvain, non dans l’Université même, mais au Collège des Jésuites, et y soutint, le 26 avril 1604, une thèse sur toute la théologie scholastique, dédiée à son évêque, laquelle eut grand succès et lui valut d’insignes louanges de Juste Lipse, l’un des juges. On trouve dans les Œuvres mêlées de celui-ci à la fin de la quatrième lettre de la cinquième centurie, une attestation détaillée sur l’assiduité, sur les talents du jeune théologien, et qui finit en des termes de pronostic tout à fait glorieux.[1]


    voulaient savoir de lui quel homme au juste c’était que Saint-Cyran, Petau répondait que c’était un esprit inquiet, vain, présomptueux, farouche, se communiquant peu et fort particulier dans toutes ses manières — Je trouve ces détails et quelques autres qui ne sont nulle part ailleurs, dans une Histoire du Jansénisme inédite par le P. Rapin (Arsenal, Théolog. franc., mss, n" 56): cette Histoire ne va que jusqu’à la mort de Saint-Cyran, fin de 1643. Elle est modérée de ton, et, au milieu de bien des prolixités, contient sur les hommes des informations assez curieuses plus ou moins exactes, mais que le nom du Père Rapin et ses relations dans le monde (même dans le monde janséniste) semblent souvent garantir. Il connaissait, par exemple, beaucoup madame de Sablé. — Ce manuscrit a depuis été publié, sans aucun soin, il est vrai, par l’abbé Domenech (Histoire du Jansénisme depuis son origine jusqu’en 1644, un vol. in-8o, 1861). Mais ce qui est plus intéressant, c'est la suite de cette Histoire qu’on ne connaissait pas, par le même Père Rapin, et qu’a publié avec notes et éclaircissements M. Léon Aubineau (Mémoires du Père Rapin sur l'Église et la Société, la Cour, la Ville et le Jansénisme, 3 vol., in-8o, 1865). C'est une source ennemie, mais abondante et toute nouvelle.

  1. «Deum precor provehere hoc ingenium suo honori, Reipublicae christianae bono, cui natum auguramur». — Dans les