Page:Sainte-Beuve - Port-Royal, t1, 1878.djvu/384

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
370
PORT-ROYAL.

tous les arts, et cette capacité générale la rendait d’un continuel secours à la mère Angélique, dont elle était au dehors comme le bras droit. La mère Angélique de Saint-Jean l’a heureusement comparée à Gérard, ce frère si cher et si tendrement regretté de saint Bernard, et qui lui adoucissait la vie en le déchargeant des affaires extérieures, toujours onéreuses aux personnes spirituelles[1]. Elle eut à sortir, pour un temps, de cette retraite qu’elle désirait plus absolue, et, cédant à de vives instances, il lui fallut aller à l’hôtel de Longueville essayer l’éducation de la fille de la duchesse, qui fut depuis madame de Nemours, et qui répondit toujours assez peu à cette première instruction si hautement chrétienne. Mais dès qu’elle put se croire acquittée de ce devoir, elle revint au cloître pour elle entr’ouvert ; et là, comme sur le seuil, durant des années, en petit habit de postulante, aspirant à devenir au dedans la dernière de toutes ses sœurs, elle vit passer encore avant elle, après sa mère déjà religieuse, ses propres fils comme solitaires.[2]

  1. Tome III, p. 323 des Mémoires pour servir à l’Histoire de Port-Royal (Utrecht, 1742).
  2. Vingt-quatre ans s’écoulèrent depuis la séparation de madame Le Maître jusqu’à la mort de son mari. Elle ne prit l’habit de novice qu’en octobre 1640, et ne fit profession qu’en janvier 1644 sous le nom de sœur Catherine de Saint-Jean. À l’heure de la mort, en janvier 1651, elle eut l’idée d’écrire une bien touchante lettre à mademoiselle de Longueville, son ancienne élève, alors âgée de vingt-cinq ans : elle espérait que les afflictions du moment (c’était le temps de la prison des Princes) auraient peut-être disposé vers Dieu ce cœur de tout temps assez rebelle. Il est utile de lire, en les rapprochant, cette admirable lettre de la mourante (au tome III, p. 351, des Mémoires pour servir, etc.) et les Mémoires piquants, spirituels, mais un peu secs, de madame de Nemours. Cette personne distinguée et positive, qui ne se dissimula jamais l’insuffisance de son père, ni aucun des défauts de sa brillante belle-mère, fut de bonne heure placée dans une position assez fausse, d’où son esprit juste et fin la sauva. Les entraînements n’étaient pas son fait, pas plus ceux de la Fronde que les élans de ce qu’elle appelait