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PORT-ROYAL.

menées de mort. Vauvenargues, qui lui-même avait rapporté de ses guerres des infirmités cruelles et d’incurables maux, lui que Voltaire comparait dans son respect, à Pascal souffrant, Vauvenargues, rejeté du ministre, qui lui répondait à peine et négligeait ses services, se tourna sans murmure à l’étude, à la philosophie, à la morale ; de son lit de douleurs, il rechercha dans la nature les bons principes pour les relever et les proclamer ; il corrigea par l’effet de son observation sereine et bienveillante l’amertume sans mélange de La Rochefoucauld, l’amertume non moindre, bien que plus couverte, de La Bruyère. Eut-il raison ? S’il avait causé avec M. de Saint-Cyran au temps de M. de Séricourt, avec Pascal bientôt après, n’aurait-il pas appris d’un mot et, comme on disait alors, par l’oreille du cœur, que cette idée amère de la nature humaine n’est, après tout, qu’une stricte vérité, mais une vérité de la terre qui attend son nécessaire complément, son couvercle et comme son ciel, dans l’embrassement supérieur de la vérité chrétienne ; de telle sorte que chaque point du mal observé, chaque endroit de poussière et de boue, et rien que de poussière et de boue si l’on y demeure, disparaît, se transforme, si on le rapporte à son point d’opposition en haut, et correspond dans son zénith spirituel à quelque étoile lumineuse ? Vauvenargues ne conçut jamais bien cela, et son noble talent, dans ses velléités chrétiennes, comme dans ses générosités naturelles, tâtonna toujours.

Et qu’à cette occasion l’on considère un peu la singularité, le jeu des points de vue successifs, et la diversité des rôles.

Au dix-septième siècle, la plus grande élévation religieuse dans la vérité consistait à croire la nature humaine déchue, mauvaise, pleine de ces vices originels qui, selon l’énergique expression de Saint-Cyran, la