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LIVRE DEUXIÈME.

Port-Royal, l’ayant fait agréer aux Mères, et M. Le Maître témoignant le désirer avec beaucoup de charité.»

Le 20 janvier 1638, Lancelot prit donc congé de messieurs de Saint-Nicolas et arriva à Port-Royal sur les cinq heures du soir. M. de Saint-Cyran le mit avec M. Singlin et M. Gaudon l’aîné (ces Gaudon ne persévérèrent pas) ; MM. Le Maître et de Séricourt vivaient à part dans leur petit logis. Voilà le premier état et le plus simple commencement de ce qu’on appela les Solitaires.

Ajoutez-y quelques enfants que M. Singlin avait sous sa conduite et avec lesquels il avait passé le dernier été (de 1637) à Port-Royal des Champs, mais qu’il avait ramenés à Paris pour l’hiver, le petit Bignon, fils de Jérôme 1er, et qui fut lui-même Jérôme II, le petit Vitard, cousin de Racine qui allait naître (1639), deux neveux de M. de Saint-Cyran, et peut-être encore quelques autres : voilà le plus simple état et le commencement des petites Écoles[1].

Les enfants (bien entendu) avaient un régime tout à fait à part des solitaires. Ceux-ci se rassemblaient tous la nuit, pour dire matines, dans la chambre de M. Singlin : ils commençaient à une heure après minuit, pour avoir fini quand les religieuses à leur tour commenceraient, se relevant ainsi comme d’exactes sentinelles dans

  1. Un abbé de La Croix, neveu et biographe de l’un des principaux maîtres de Port-Royal, M. Walon de Beaupuis (Vies intéressantes et édifiantes des Amis de Port-Royal, un vol. in-12, Utrecht, 1751), discute très-au long (pages 56 et suiv.) la date du commencement de ces petites Écoles ; il en vient à prétendre et à prouver qu’il est moralement impossible qu’il y ait eu des enfants élevés à Port-Royal dès 1637. C’est ainsi que nous raisonnons tous les jours pour le passé sur ce que nous ne savons pas. L’abbé de La Croix n’avait pas connaissance des Mémoires de Lancelot, qui sont l’autorité directe sur ce point et sur tant d’autres.