Page:Sainte-Beuve - Port-Royal, t1, 1878.djvu/461

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
447
LIVRE DEUXIÈME.

repentance intérieure et du secours divin, la suffisance d’un chacun, moyennant cette grâce, en présence de l’Écriture qui en est le canal et le réservoir principal, et qui devient, à vrai dire, le Sacrement universel. Ceux de l’Ordre, de la Confession et de l’Eucharistie, tels que les entendaient les Catholiques, y périrent ou furent extrêmement transformés.

Le sacrement de l’Ordre le fut en particulier par le seul fait de la transformation et de la réduction de ces autres sacrements de la Confession et de l’Eucharistie, la Confession s’étant changée à peu près en simple conseil, et l’Eucharistie en commémoration.

M. de Saint-Cyran sur ces trois points reprit toute l’acception sacramentelle primitive, ou du moins telle qu’elle paraît exprimée dans saint Augustin, dans saint Chrysostome, et telle que le Concile de Trente ne l’avait reproduite qu’avec de certaines précautions : la profondeur et l’étendue de sa doctrine en ce sens se lisent comme dans un abrégé lumineux en ce qu’il dit du Sacerdoce.

Et cela est la conséquence même : du moment qu’on croit autant que lui à la souveraineté et à l’immuabilité des sacrements d’Eucharistie et de Pénitence, que ne faut-il pas être pour les exercer et les conférer au nom et en place de Dieu ? Aussi n’a-t-il pas assez d’expressions magnifiques pour désigner et définir cette postérité d’Aaron, d’Abraham et de Melchisédech, si fort relevée dans la nouvelle Loi et plus formidablement encore investie que dans l’ancienne. Le Prêtre, selon lui, est Roi et plus que Roi sur la terre ; il est Sacrificateur. Il est un Ange et plus qu’un Ange dans l’Église, y faisant ce qu’aucun Ange n’a été appelé à faire[1] : «C’est

  1. Car l’Ange (c’est toujours lui qui parle) n’offre pas le sacrifice, et c’est une grâce que Dieu a faite à l’homme en l’honneur de l’Incarnation. Mais l’Ange assiste les hommes dans le sacrifice,