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PORT-ROYAL.

Voilà le simple prêtre qui se pose assez nettement, ce semble, à l’état de Grégoire VII ; voilà le Prêtre-Roi qui reparaît avec tout ce qu’il a d’auguste. On se rappelle combien, dans sa conversation avec M. de Saint-Cyran, tout à l’heure, nous l’avions vu gémissant.[1]

Ce qu’il se montrait pour M. Hillerin, M. Singlin l’était, on le sait déjà, pour la princesse de Guemené, lorsque, conduite chaque semaine à Port-Royal par M. d’Andilly, le grand-maître des cérémonies et l’introducteur des pénitents et pénitentes, elle s’étonnait, dans sa dévotion novice, du peu de prévenance de son directeur. On le redit un jour à M. Singlin, qui répondit : «Je serois bien éloigné de voir ces personnes-là, à moins qu’elles ne me demandassent ou que quelque nécessité ne m’y engageât.» Il se refusa bientôt à se mêler de la direction du jeune fils de la princesse ; la mère Angélique nous l’apprend dans une lettre à M. d’Andilly (22 décembre 1644) : «Vous voyez bien vous-même que la conduite qu’il croiroit être obligé en conscience de tenir, pour faire réussir ce petit Prince en vrai chrétien, est trop forte pour la tendresse de Madame…» Elle ajoutait ces mots si caractéristiques de Port-Royal et qu’on trouvera bien exagérés dans leur démocratie plus que chrétienne ; mais il faut se rappeler que, du temps de la mère Angélique, on connaissait les Grands ; on ne connaissait pas encore les petits : «Enfin, mon cher frère, disait-elle, la conduite

  1. La méthode que M. Singlin avait reçue de M. de Saint-Cyran, et qu’il appliquait en perfection, consistait en deux points :
    1° qu’il faut faire toutes choses, même les meilleures et celles qu’on a le plus raison de désirer, dans une certaine maturité qui amortit l’activité de l’esprit humain et qui attire la bénédiction de Dieu sur ces choses dont on s’est mortifié quelque temps ;
    2° qu’après ce premier retardement fructueux et légitime, une fois l’action résolue et l’œuvre entamée, il n’y a plus à revenir ni à regarder en arrière.