Page:Sainte-Beuve - Port-Royal, t1, 1878.djvu/489

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
475
LIVRE DEUXIÈME.

N’est-ce pas là un exemple à nu et d’autant plus précieux qu’il est plus dépouillé de tout ce qui complique, un exemple incontestable et simple de la vocation ecclésiastique et du pur don du prêtre ?

Cependant, pour tout dire, vers la fin de sa vie, M. Singlin se trouva quelquefois insuffisant : ce fut quand la dispute s’en mêla, quand la Bulle d’Innocent X sur les cinq Propositions fut signifiée. M. Singlin, fidèle, je le crois, à l’esprit du premier Port-Royal, et, malgré la vigueur que nous connaissons à M. de Saint-Cyran, fidèle, je le crois aussi, à l’esprit même de Saint-Cyran, s’attacha à se modérer en ses prédications ; dans l’affaire de la Signature, voulant éviter le procès théologique et d’interminables contentions, il inclinait, par rapport aux religieuses, pour tous les partis mitoyens, pour tous les ménagements possibles qui eussent coupé court. Il n’avait qu’un but : rester dans la simplicité morale du chrétien. Mais alors les avis étaient animés et très-divers : « Ce qui lui perçoit le cœur, est-il dit, c’étoit cette espèce de guerre intestine entre de grands serviteurs de Dieu. » M. Pascal même, un jour, lui parla un peu franc, en lui disant qu’il n’était pas théologien, et qu’il embrouillait les choses en s’en mêlant. M. Arnauld l’avait déjà, une autre fois, un peu relevé de ce qu’il trouvait les Provinciales par trop railleuses pour être tout à fait chrétiennes. M. Singlin n’était pas non plus pour que M. Le Maître publiât ses Plaidoyers, et il jugeait que c’était rompre son silence de pénitent. Une lettre de la mère Angélique de Saint-Jean, d’une date postérieure à la mort de M. Singlin, l’accuse assez sèchement d’avoir contribué, même depuis sa fin, à la signature de bien des sœurs, par le seul souvenir qu’on avait de son sentiment mitigé[1]. On voit

  1. La mère Agnès non contentieuse, non opiniâtre, et qui, si