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PORT-ROYAL.

Donjon. Ainsi commença sa captivité de cinq années.

J’ai déjà eu le soin de parler des divers griefs, successivement grossis, que le cardinal de Richelieu nourrissait contre M. de Saint-Cyran[1] : le prisonnier lui-même, plein de son objet, en énumérait jusqu’à dix-sept. Je n’y reviendrai ici que pour insister sur deux ou trois des principales ou des prochaines causes. La première et celle qui demeure la dominante, se peut traduire ainsi : Je ne sais quelle puissance, d’un ordre à part, s’élevait dans l’Etat, et en dehors du maître ; le maître, à la fin, s’en inquiéta. Richelieu, par expérience, et pour l’avoir tâté maintefois, estimait M. de Saint-Cyran un homme sans prise, et sur qui caresses ni menaces n’opéraient. Il paraît, d’après un mot de Lancelot, qu’une dernière et extrême tentative fut faite près de lui et resta vaine : « Et il me souvient, écrit le scrupuleux biographe, que, quelques jours après l’arrestation de M. de Saint-Cyran, M. de Barcos me dit que peu de temps auparavant on leur avoit encore fait faire des offres, et que, s’ils eussent été gens à se laisser aller, M. de Saint-Cyran et lui auroient chacun plus de quarante mille livres en bénéfices, et que son oncle ne seroit pas là, c’est-à-dire à Vincennes. » Parlant un jour de ceci à la mère Angélique, M. de Saint-Cyran, dans les derniers mois de sa vie put dire ce mot remarquable : « Que la voie étroite l’avoit obligé à épouser une prison plutôt qu’un évêché, parce qu’il pouvoit bien juger en ce temps-là que le refus de l’un conduiroit nécessairement à l’autre, sous un Gouvernement où l’on ne vouloit que des esclaves, » Ce furent ses propres termes. Il paraît bien, de plus (je rapporte les on dit jansénistes), que le Cardinal avait fort en tête, et comme pro-

  1. Livre premier, à la fin des chapitres XI et XII.