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LIVRE PREMIER

coeurs fidèles. Avant la fin de l’année, M. Arnauld, dans une espèce de Philippique intitulée Première Savoisienne, s’enflammait à servir la cause royale contre ce même duc de Savoie, qui chicanait sur la restitution du marquisat de Saluces et autres conditions des traités. Déjà, au plus fort de la Ligue, il avait répligué à un manifeste du duc de Mayenne par un écrit intitulé l’Anti-Espagnol, et lancé encore d’autres pamphlets loyaux, dans le même sens, mais non avec le même sel, je le crains, que la Satyre Ménippée. Dans un Avis au Roi pour bien régner, il donna plus tard (en 1614) des conseils utiles, dont les Etats-généraux, alors assemblés, profitèrent. Mais le fait qui resta le plus capital de sa vie (après ses illustres enfants), ce fut d’avoir plaidé en 1594, au nom de l’Université, contre les Jésuites, qui n’en aiment pas mieux ces Messieurs de Port-Royal, comme ajoute un malin chroniqueur.[1]

Le plaidoyer au nom de l’Université de Paris contre les Jésuites, cette pièce qu’on a appelée le péché originel des Arnauld, avait pour occasion l’attentat de Pierre Barrière sur la personne de Henri IV, en 1593. L’Université, par la bouche de M. Arnauld, demandait l’expulsion de la Société auprès du Parlement. Presque au début de cette Catilinaire, après une première excursion vers Pharsale et ces guerres plus que civiles;

  1. Dans une Apologie pour Jean Châtel, un fanatique du temps, en accusant M. Arnauld d’être calviniste, se plaisait à rapprocher son nom du mot grec ἀρνέομαι qui signifie nier, renier. Mais M. Arnauld, l’avocat, n’avait jamais été calviniste ; cela n’était vrai que de M. de La Mothe, son père, et de quelques-uns de ses frères. — M. Roget de Genève, dans l’article du Semeur intitulé les Arnauld huguenots, que j’ai précédemment indiqué, croit que je me suis trop avancé en disant ce mot jamais pour M. Arnauld l’avocat : il conjecture qu’enfant celui-ci avait été élevé dans le Calvinisme, et qu’il y demeura jusqu’à la Saint-Barthélemy, c’est-à-dire jusqu’à l’âge de treize ou quatorze ans.