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PORT-ROYAL

fêtes. La Purification était exceptée, à cause que c’était le temps du carnaval, où l’on s’occupait à faire des mascarades dans la maison, et le confesseur en faisait avec les valets.» — Les religieuses portaient d’habitude, selon la mode mondaine, des gants et des masques. Elles vivaient d’ailleurs, bon gré mal gré, assez pauvrement, étant volées par leurs domestiques : l’abbaye n’avait alors que six mille livres de rentes. Elles étaient treize professes, quand la jeune abbesse y entra ; la plus âgée avait trente-trois ans, et ce fut la seule que madame Arnauld jugea à propos de faire bientôt éloigner pour sa conduite.

Tout continua d’abord comme par le passé, très futilement et assez innocemment. La jeune abbesse avait dix ans et demi, pourtant aussi peu enfant qu’il était possible de l’être à cet âge, d’un esprit fort vif et avancé, et ne sentant déjà pas mal, au moins humainement, ce qu’elle devait au rôle qu’on l’appelait à remplir. Lorsqu’elle eut onze ans, ce M. de La Croix, abbé de Cîteaux, homme fort déférant à M. Arnauld, et de très peu de mérite comme elle nous l’apprend, offrit de lui-même de la bénir, ce que M. Arnauld n’osait sitôt lui demander. Il la bénit donc abbesse[1] et lui fit faire le même jour sa première communion. Il y eut dans l’intérieur de l’abbaye, à cette occasion, compagnie nombreuse et grand festin.

On a, sur ces premiers temps de la mère Angélique, des Relations, on ne saurait plus circonstanciées[2] des espèces de dépositions régulières dressées par les principales religieuses qui lui survécurent, et des récits

  1. Elle n’avait été bénie précédemment que comme religieuse ou comme coadjutrice.
  2. Mémoires pour servir à l’Histoire de Port-Royal et à la Vie de la Révérende Mère Angélique de Sainte-Magdeleine Arnauld, réformatrice de ce monastère. Trois vol. in-12 ; Utrecht, 1742.