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LIVRE DEUXIÈME.

Il s’en ouvrit pourtant quelque peu à son cousin le saint évêque de Marseille, M. Gault, qui remit de sonder l’âme du malade à une prochaine visite qu’il l’invita de lui venir faire en son évêché ; mais la mort du prélat rompit ce projet. C’est alors que dans un voyage à Paris, M. Fallu, par l’entremise d’un ami de M. Gault, connut M. de Saint-Cyran. Vers le même temps d’autres amis le voulaient réengager dans une place à la Cour. Il y résista ; il commençait à concevoir clairement, disait-ii, que, dans le naufrage où il était, il n’y avait pour lui de planche de salut que l’exacte pénitence. Pendant un voyage aux Eaux de Forges, où il accompagnait quelques dames de Touraine, il lut le livre de la Fréquente Communion dans sa première nouveauté : M. Hillerin, curé de Saint-Merry, qui était à ces Eaux, le lui prêta.[1] La mort de M. de Saint-Cyran qui arriva peu après, et dont M. Pallu eut le bonheur d’être témoin, acheva de le décider. Il vint d’abord pour essayer de la solitude de Port-Royal des Champs, et dit en arrivant à M. Le Maître qu’il y voulait passer cinq ou six jours : à quoi M. Le Maître répondit, en souriant, que, a si ce n’étoit pas Dieu qui l’y amenoit, il n’y resteroit pas ce court temps qui lui sembleroit trop long, et que, si c’étoit Dieu, il y resteroit davantage ; » ce qui se vérifia en effet : M. Pallu désormais n’en sortit plus. Il n’avait guère que trente-sept ans.[2] J’ai déjà pris quelque chose dans une lettre

  1. On a déjà vu (page 179), que la princesse Marie et l’abbé de Marolles qui l’accompagnait lurent le livre de la Fréquente Communion, en feuilles, dans l’été de 1643, aux Eaux de Forges. Voici M. Pallu qui, justement dans ce même été et au même lieu, a occasion d’y lire ce même ouvrage qu’il tient de M. Hillerin. Tout cela concorde, et sert aussi à montrer combien véritablement le livre d’Arnauld eut de vogue dès le premier instant, et à quel point il fit éclat au milieu de ce beau monde des Eaux, comme ferait de nos jours quelque roman à la mode.
  2. On pourrait objecter à cet âge ce qu’il dit lui-même de ses