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LIVRE DEUXIÈME.

il vit pour la première fois à Poitiers l’abbé de Saint-Cyran dont Le Bouthillier, depuis évêque d’Aire,[1] lui avait bien souvent parlé. Ce dernier, qui était pour lors à Poitiers, les prenant tous deux par la main, les présenta simplement l’un à l’autre en disant : « Voilà M. d’Andilly, voilà M. de Saint-Cyran, » et les laissa aux prises. Ainsi commença cette grande et féconde amitié. Il y a eu des Jésuites dits de robe courte : M. d’Andilly fut, dès ce moment, un janséniste en habit de cour.

Dans l’automne de 1621 et au siège de Montauban, où il suivait M. de Schomberg, il tomba dangereusement malade d’une fièvre pourpre, et le bruit même de sa mort courut. Malherbe, écrivant de Caen à son ami Peiresc (5 novembre), déplorait cette perte du ton d’un ami.

Comment M. d’Andilly fut ou crut être le bras droit de M. de Schomberg, tant que celui-ci resta Surintendant des finances ; comment, après la disgrâce de Schomberg, il passa dans la petite Cour et dans la faveur de Monsieur, qui lui fit donner la charge d’intendant-général de sa maison ; quelle était sa première grande liaison avec le colonel d’Ornano qui finit par concevoir jalousie de lui, et se perdre, à cause de cela, du moins l’historien et ami nous l’assure ;[2] comme quoi le cardinal de Richelieu eut dans un temps l’idée de le faire, lui d’Andilly, secrétaire d’État ; puis sa disgrâce, sa sortie de chez Monsieur, et la façon dont il fut

  1. Aire en Gascogne.
  2. D’autres disent autrement. Le savant et fin continuateur du Père Daniel, le Père Griffet, dans son Histoire de Louis XIII, à l’occasion du procès de Chalais (année 1626), se donne le plaisir de remarquer qu’un des inculpés ; un gentilhomme nommé Boisdanemets, dans un livre intitulé : Mémoires du duc d’Orléans, qui contiennent plusieurs particularités de la vie de Gaston, « accuse le sieur Arnauld d’Andilly d’avoir trahi les secrets du maréchal d’Ornano, qui lui avoit procuré la place d’intendant de la maison du prince. » Une petite insinuation amicale en passant.