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PORT-ROYAL

M. Hamon était retiré aux Champs avant Pontis ; il y succéda comme médecin à M. Pallu (1650). Mais son beau, son très-beau moment n’est pas à cette heure ; c’est pourquoi nous le réservons.

M. Baudri de Saint-Gilles d’Asson était un gentilhomme de Poitou vers la Vendée, l’un des cinq frères d’Asson (Fontaine lui en donne onze), tous grands et robustes, respectés et redoutés dans le pays qu’ils battaient en intrépides chasseurs. Ayant fait ses trois ans de Sor-


    Livry : « Je suis attachée à des Mémoires d’un M. de Pontis, Provençal… Il conte sa vie et le temps de Louis XIII avec tant de vérité et de naïveté et de bon sens, que je ne puis m’en tirer. M. le Prince l’a lu d’un bout à l’autre avec le même appétit. » Un Jésuite, le Père d’Avrigny, dans la préface d’un de ses ouvrages (Mémoires pour servir à l’Histoire de l’Europe depuis 1600) se piqua de noter chez Pontis et sut même grouper assez joliment quelques inexactitudes de détail, en vue d’infirmer le tout : il n’a réussi qu’à montrer que le rédacteur avait bien pu confondre quelques circonstances. Le Père Griffet, historien exact, insiste de même (dans son Histoire de Louis XIII, tome 1, p. 350, 351) sur une impossibilité du récit de Pontis, qui, dans la guerre civile du Midi en 1622, fait venir le roi à Négrepelisse, après avoir fait en personne le siège de Saint-Antonin, « quoiqu’il soit indubitable que ce prince n’assiégea Saint-Antonin qu’après s’être rendu maître de Négrepelisse. » Le rédacteur a tout simplement brouillé les deux sièges ; il a dû brouiller bien d’autres choses encore. — Mais voilà que Voltaire, en son Siècle de Louis XIV (article Pontis), n’y met pas tant de façons et n’en fait ni une ni deux ; sans avoir besoin d’y regarder de si près, il s’en est venu écrire de sa plume la plus légère : « Ses Mémoires ont été tellement en vogue qu’il est nécessaire de dire que cet homme, qui a fait tant de belles choses pour le service du roi, est le seul qui en ait jamais parlé. Aussi ses Mémoires ne sont pas de lui, ils sont de Du Fossé… Il feint que son héros portait le nom de sa terre en Dauphiné. Il n’y a point en Dauphiné de seigneurie de Pontis. Il est même fort douteux que Pontis ait existé. » Et le scrupuleux Daunou (Cours d’Études historiques, tome I, p. 323) semble partager absolument l’opinion de Voltaire et ne voit en tout ceci que du fabuleux. Vivez donc quatre-vingt-sept ans, et en homme de vérité, pour être, au surlendemain de votre mort, réduit d’un trait de plume à l’état de fable ! — (Voir à l’Appendice.)