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PORT-ROYAL

pensionnaires, et s’en montrèrent filialement reconnaissantes. Une circonstance singulière et à noter se rattache encore à ce château de Vaumurier, depuis qu’il l’eut laissé à l’abbaye. Bien des années après le moment où nous sommes, M. le Dauphin, un jour qu’il chassait aux environs, s’aperçut de ce château qui n’était d’aucun usage, et il résolut d’en faire la demande au roi ; son dessein était d’y mettre une personne qu’il aimait.[1] La mère Angélique de Saint-Jean, alors abbesse, fut avertie, et elle prit sur elle d’envoyer à l’instant des ouvriers au château pour le ruiner de fond en comble. Le roi le sut et l’en loua.

Une remarque générale a pu se faire à travers tout ceci, c’est que nous avons passé l’une et l’autre Fronde au sein de l’un et l’autre Port-Royal, sans saisir encore une trace d’intrigue, sans même trouver jour pour l’y placer. Petitot a voulu signaler le duc de Luines comme l’un des chefs et des intermédiaires. Cela est faux. Le duc de Luines ne tenait en rien de sa mère, il avait furieusement dégénéré, dit Tallemant ; c’eût été un mauvais meneur ; et puis, durant cette année 1652, la douleur de son veuvage l’accablait, et les soins d’une activité pieuse étaient seuls capables de l’en distraire. Il ne figure au plus que dans la première Fronde, et avant son étroite liaison avec Port-Royal. Politiquement, nos amis restent jusqu’ici tout à fait à part et en dehors ; car ils ne pouvaient communiquer avec Retz que par MM. de Bernières, de Bagnols ou de Luines, et il n’y paraît pas. C’est après coup, et par la persécution, que ce genre de zèle leur vint ; Gui Joly leur a rendu cette justice sous forme de reproche, lorsqu’il parle du voyage de M. de Saint-Gilles à Rotterdam, et des offres

  1. Non pas la Chouin, les dates s’y opposent, mais peut-être une madame d’Espagny, femme de chambre de la Dauphine.