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PORT-ROYAL.

Il faut aimer notre aise, et, pour vivre contents,
Acquérir par raison ce qu’enfin tous les hommes
Acquièrent par le temps.

Que sert à ces galants ce pompeux appareil
Dont ils vont dans la lice éblouir le soleil
Des trésors du Pactole ?
La gloire qui les suit, après tant de travaux,
Se passe en moins de temps que la poudre qui vole
Du pied de leurs chevaux.
…...................…
Employons mieux le temps qui nous est limité ;
Quittons ce fol espoir, par qui la vanité
Nous en fait tant accroire :
Qu’Amour soit désormais la fin de nos désirs ;
Car pour eux seulement les Dieux ont fait la gloire, Et pour nous les plaisirs !

Maynard dans sa belle Ode à Alcipe :

Alcipe, reviens dans nos bois,
Tu n’as que trop suivi les Rois…

dans laquelle, pour l’engager à jouir de sa fin de journée, il lui dit que tout meurt, tout, les villes, les empires, le Ciel même avec son soleil :

Et l’Univers qui, dans son large tour,
Voit courir tant de mers, et fleurir tant de terres, Sans savoir où tomber, tombera quelque jour ![1]

La Fontaine en mille endroits de ses fables les plus sues :

 Mais voit-on que le somme en perde de son prix ?

Chaulieu dans Fontenay, Voltaire dans son Épître à

  1. Voir Sénèque, chœur d’Hercule au mont OEta, acte III : Quis mundum capiet locus ?