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Page:Sainte-Beuve - Port-Royal, t3, 1878.djvu/111

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LIVRE TROISIÈME.

ne put retenir son indignation contre ces opinions monstrueuses. … Il crut devoir travailler à les rendre non-seulement la fable, mais encore l’objet de la haine et de l’exécration de tout le monde. C’est à quoi il s’appliqua entièrement depuis par le seul motif de servir l’Église. Il ne composa plus ses Lettres avec la même vitesse qu’auparavant, mais avec une contention d’esprit, un soin et un travail incroyables. Il étoit souvent vingt jours entiers sur une seule Lettre. Il en recommençoit même quelques-unes jusqu’à sept ou huit fois, afin de les mettre au degré de perfection où nous les voyons. »

La dix-huitième lui donna plus de peine que toutes les autres ; il la refît jusqu’à treize fois. — Et Nicole ajoute :

« On ne doit point être surpris qu’un esprit aussi vif que Montalte ait eu cette patience. Autant qu’il a de vivacité, autant a-t-il de pénétration pour découvrir les moindres défauts dans les ouvrages d’esprit ; souvent à peine trouve-t-il supportable ce qui fait presque l’admiration des autres. »

On le voit assez, dès la quatrième Lettre tout l’écrivain était né en Pascal, l’écrivain au complet avec ses doutes, ses scrupules et ses démangeaisons mêmes, tout comme chez Montaigne, tout comme chez Boileau. On sait ce post-scriptum de la seizième, qu’il n’a faite plus longue, dit-il, que parce qu’il na pas eu le loisir de la faire plus courte. C’est du Despréaux tout pur, l’art de faire difficilement des vers faciles ; comme lorsqu’il dira encore : « La dernière chose qu’on trouve en faisant un ouvrage est de savoir celle qu’il faut mettre la première. » Pascal atteint dès lors la théorie classique dans sa précision ; il la fixe telle qu’elle sera reprise et maintenue en toute rigueur dans notre prose depuis La Bruyère jusqu’à Fontanes[1].

  1. Parmi les diverses pensées et remarques qui attestent combien, à partir de ce moment, il se rendit compte à lui-même de