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PORT-ROYAL.

On n’en saurait dire autant de tous ces élèves que nos pieux historiens énumèrent avec complaisance : un certain nombre se dissipèrent. Saint-Simon a dit de la comtesse de Grammont (mademoiselle Hamilton), qui avait été pensionnaire à Port-Royal : « Elle en avoit conservé tout le goût et le bon à travers les égarements de la jeunesse, de la beauté, du grand monde et de quelques galanteries… » La plupart des élèves furent ainsi sans doute, et ils gardèrent quelque chose de leur éducation première à travers même les dissipations et les oublis. Il serait difficile pourtant de reconnaître à aucun signe le cachet d’élève de Port-Royal dans ce M. de Harlay, Conseiller d’État, le même qui fut Plénipotentiaire à la Paix de Ryswick, et de qui Saint-Simon a dit : « Homme d’esprit, mais c’étoit à peu près tout[1]. »

À côté des véritables et sérieux produits de l’éducation qui nous occupe, je ne fais qu’indiquer, par curiosité encore, le fameux duc de Monmouth, qui paraît avoir été placé quelque temps au Chesnai sous M. de Beaupuis. Ce fils naturel de Charles II, amené en France vers l’âge de 9 ans, y passa une couple d’années (1658-1660), tant à l’Académie de Juilly, chez les Oratoriens, qu’à notre Ecole du Chesnai ; et l’on s’explique très-


    un paroissien très-assidu, et il avoit le cœur vraiment hiérarchique ; car il étoit fort instruit et fort fidèle à pratiquer le bien qu’il savoit. Il lègue mille livres à Port-Royal des Champs, où il a deux filles, et son cœur, qu’il demande qu’on mette au cimetière du dehors dans la cour jointe à l’église, si la Communauté ne trouve à propos de le mettre ailleurs. »
    Il y eut cela de particulier que lui étant mort le 11 avril, sa fille aînée, religieuse à Port-Royal, mourut huit jours après, le 19, et que sa veuve, plus qu’octogénaire, mourut le mois suivant, le 17 mai, imitant en toute chose son digne époux. Les cœurs du père et de la mère furent enterrés dans le cimetière des religieuses, auprès du corps de leur fille. C’était une vraie tribu d’Israël que ces Benoise.

  1. Voir l’histoire de sa trahison envers M. de Chaulnes, Mémoires de Saint-Simon, tome I, page 432.