Page:Sainte-Beuve - Portraits contemporains, t1, 1869.djvu/267

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de quoi fortifier des hommes, assez disposés déjà à bien augurer de leur raison, dans cette persuasion qu’elle ne les a pas trop égarés, et de quoi les faire sourire entre eux d’un sourire de satisfaction, ce semble, assez légitime.

Dans l’avertissement de la quatrième édition des Réflexions sur l’État de l’Église, l’abbé de La Mennais disait : « Qu’on remonte en arrière seulement de quatre à cinq ans, on sera, nous le pensons, très-frappé d’un développement rapide. Les maximes qu’on rejetait avec horreur ou avec dégoût s’établissent sans contradiction, et comme les vérités les plus simples ; elles sont défendues par ceux même qui se montraient les plus ardents à les attaquer. Ce qu’on appelait bien, on l’appelle mal, et réciproquement. Ce qu’on représentait comme la mort des peuples, on assure à présent que c’est leur santé, leur vie. » Les hommes dont nous parlons pourront donc sourire en relisant ce passage de M. de La Mennais ; mais lui-même aussi ne peut-il pas le leur redire en face à la plupart, le leur rétorquer à bout portant ? C’est le cas de répéter avec M. de Maistre : Il n’y a rien de si difficile que de n’être qu’un.

Hâtons-nous de le dire : la supériorité que garde M. de La Mennais sur la plupart de ces hommes est grande encore : elle réside, non plus dans la foi, non plus dans l’ascendant de la position ; il est désormais en plaine comme nous tous ; mais (talent à part) il a l’ardeur du cœur, les trésors du dévouement, l’orgueil peut-être, mais un orgueil qui s’ignore lui-même et