Page:Sainte-Beuve - Portraits littéraires, t3, nouv. éd.djvu/42

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et dans le sang noir des morts. Salut, consternante Hécate, et jusqu’au bout sois-nous présente, faisant que ces poisons ne le cèdent en rien à ceux ni de Circé, ni de Médée, ni de la blonde Périmède. »

C’est aussitôt après cette invocation que le sacrifice proprement dit commence : Simétha continue de chanter, et ce chant énergique, exhalé d’une voix lente et basse, presque avec tranquillité, est d’un grand effet ; chaque couplet qui exprime quelque moment de l’opération se marque d’un même refrain mystérieux. Ce refrain est adressé à un objet magique (iynx), qui portait le nom d’un oiseau, mais qui vraisemblablement n’était autre qu’une sorte de toupie ou de fuseau qu’on faisait tourner durant le sacrifice, lui attribuant la vertu d’attirer les absents. J’insisterai peu sur cette première partie de la scène qui demanderait plus d’une explication technique, et qui a été d’ailleurs si bien reproduite par Virgile. Simétha, comme elle-même l’indique en son brusque monologue tout entrecoupé d’apostrophes passionnées, jette successivement dans le feu de la farine, des feuilles de laurier ; elle fait fondre de la cire, et de chaque objet tour à tour elle tire quelque application à Delphis (c’est le nom de l’infidèle) : « Comme je fais fondre cette cire sous les auspices de la déesse, puisse de même le Myndien Delphis fondre à l’instant sous l’amour ! Et comme je fais tourner ce fuseau d’airain, qu’ainsi lui-même il tourne devant notre seuil sous la main de Vénus ! » Cependant la lune s’est levée et plane au haut du ciel ; Diane est dans les carrefours ; les chiens la saluent au loin par la ville en rugissant ; Simétha commande à Thestylis d’y répondre en sonnant au plus tôt de la cymbale. Puis le calme renaît comme par enchantement : « Voici, la mer se tait, les haleines des vents font silence : mais mon amertume à moi ne se tait pas également au dedans de ma poitrine ; je brûle tout entière pour celui qui, au lieu d’épouse, a fait de moi une misérable et une déshonorée. » À ces passages d’une