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FRANÇOIS Ier, POËTE

POÉSIES ET CORRESPONDANCE RECUEILLIES ET PUBLIÉES PAR M. AIMÉ
CHAMPOLLION-FIGEAC, 1 VOL. IN-4°, PARIS, 1847.


C’est une chose grave assurément pour un roi que de faire des vers. Il n’est point permis aux poëtes d’être médiocres ; Horace le leur défend au nom du ciel et de la terre, au nom des colonnes et des murailles mêmes qui retentissent de leurs vers ; et, d’autre part, la devise d’un roi, telle qu’elle se lit en lettres d’or chez Homère, et telle qu’Achille la dictait par avance à Alexandre, consiste à toujours exceller, à être en tout au-dessus des autres[1]. Voilà deux obligations bien hautes, deux royautés difficiles à réunir, et dont la dernière exclut absolument, chez celui qui en est investi, toute prétention incomplète et vaine. Hors de l’Orient sacré, je ne sais si l’on trouverait un grand exemple de ce double idéal confondu sur un même front, et si, pour se figurer dans sa pleine majesté un roi poëte, il ne faudrait pas remonter au Roi-Prophète ou à son fils. Il y a eu des degrés toutefois ; ce même Homère, de qui nous tenons l’adieu du vieux Pélée donnant à son fils cette royale leçon de prééminence et d’excellence généreuse, nous représente Achille dans sa tente, au moment où les envoyés des Grecs

  1. Iliade, XI, 783.