Page:Sainte-Beuve - Portraits littéraires, t3, nouv. éd.djvu/74

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toute une série de petites questions en perspective. Les autographes imprévus et tardifs (ils semblent sortir de dessous terre aujourd’hui), s’il s’en produisait à l’appui des imprimés, devraient être eux-mêmes soumis à examen. Puis, quand la source originale serait sûrement atteinte, on aurait à discuter encore le degré de confiance qu’on peut accorder en pareil cas aux royales signatures ; car ces princes et princesses avaient tout le long du jour à leur côté ; entendant à demi-mot, valets de chambre, aumôniers et secrétaires, tous gens d’esprit et du métier. Les Bonaventure des Periers, les Marot, les Saint-Gelais, les Amyot, étaient en mesure de prêter plus d’un trait à un canevas auguste, et de mettre la main à la demande en même temps qu’à la réponse. Je ne sais plus quelle dame de la Cour d’Henri III disait à Des Portes, en lui demandant de la faire parler en vers, qu’elle envoyait ses pensées au rimeur. On sait positivement que c’était là l’usage de la spirituelle Marguerite, femme d’Henri IV. Son secrétaire Maynard la faisait parler en vers tendres et passionnés, et lui-même, dans sa vieillesse, a trahi le secret lorsqu’il a dit :

L’âge affoiblit mon discours,
Et cette fougue me quitte,
Dont je chantois les amours
De la reine Marguerite.

Au xviiie siècle, n’est-ce pas ainsi encore qu’on voit la duchesse du Maine, dans ses joutes de bel esprit avec La Motte, lui lancer à l’occasion quelque madrigal qu’elle s’était fait rimer par Sainte-Aulaire, par Mlle de Launay ou tel autre

    françaises, M. Willems de Gand indique qu’il y a trouvé le fameux Couplet :

    Cruelle départie,
    Malheureux jour ! etc., etc.

    Il en conclut que Henri IV avait pris ce refrain à quelque chanson déjà en vogue (voir le tome XI, n° 6, des Bulletins de l’Académie royale de Bruxelles).