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traduction encore d’une épigramme d’Orestes qu’on peut lire dans l’Anthologie[1], et que Grotius a aussi traduite. Il est vrai que, si l’on compare, Grotius a bien moins réussi que Baïf.

Dans un tout autre genre, on connaît et l’on estime les comédies de Larivey. Il les donne pour les avoir faites à l’imitation des anciens grecs, latins et modernes italiens voilà qui est franc ; mais, en ces termes généraux, l’indication reste bien vague. Que sera-ce si l’on regarde de près ? Grosley a déjà très-bien remarqué que ce Larivey, sous son air champenois, fils naturel d’un des Giunti, fameux imprimeurs italiens, avait tourné et comme parodié en français le nom de son père (l’arrivé, advena). Eh bien, ce qu’il a fait dans son nom, il l’a fait dans ses œuvres ; il a traduit les pièces de théâtre que publiaient à Florence ou ailleurs ses parents les Giunti. Il les a rendues avec esprit, avec liberté et naturel, mais textuellement. Grosley avait noté le fait pour la comédie des Tromperies, littéralement traduite des Inganni de Nicolo Secchi. Il en est de même de la pièce qui a pour titre la Veuve ; il l’a prise tout entière, sauf quelques suppressions, de la Vedova de Nicolo Buonaparte, bourgeois florentin et l’un des ancêtres, dit-on, des Bonaparte : cette Vedova originale avait paru chez les Giunti de Florence, en 1568. Les Jaloux encore sont traduits de i Gelosi, comédie de Vincenzo Gabiani, gentilhomme de Brescia. De plus érudits, en y regardant, diraient sans doute la source des autres pièces, qui doivent être le produit facile d’une seule et même méthode[2]. Voilà certes Larivey fort rabaissé comme ancêtre de Molière ; il lui reste l’honneur

  1. Anthol. palat., V, 20.
  2. C’est dans les comédies de Laurent de Médicis, de François Grazzini, de Jérôme Razzi, de Louis Dolce, dont les noms se trouvent mentionnés dans la dédicace de Larivey à M. d’Amboise, qu’on aurait le plus de chances de rencontrer les imitations et traductions qui restent encore à déterminer.