Page:Sainte-Beuve - Volupté.djvu/171

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et où se peignait, vous le verrez, une inconcevable lueur d'avenir ! Et je n'avais pas besoin pour que ce fût là mon roman de bonheur, de le croire aucunement réalisable ; car il continuait de flotter à mes yeux en ces moments mêmes où j'espérais une tout autre issue.

Mais pour revenir aux lectures dont je vous parlais celle qui contrastait sans doute le plus avec le tourbillon agité de cette crise, et qui me rappela un moment assez haut vers la région invisible, avait pour objet quelques écrits d'un théosophe que j'aime à vous citer souvent, parce qu'il a beaucoup influé sur moi. Le livre Des Erreurs et de la Vérité et L'Homme de Désir, m'apportèrent avec obscurité plusieurs dogmes précieux, mêlés et comme dissous au milieu de mystiques odeurs. Une Réponse de Saint-Martin à Garat, que j'avais trouvée dans le Recueil des Ecoles Normales me renvoya à ces deux ouvrages dont j'avais déjà feuilleté le premier à Couaën, mais sans m'y arrêter.

Cette Réponse elle-même où le sage énonce ses principes le plus simplement qu'il a jamais fait, cette manière calme et fondamentale, si opposée en tout à l'adresse de langage et, comme l'auteur les désigne, aux brillantes fusillades à poudre de l'adversaire, ce ton prudent, toujours religieux à l'idée, me remettaient aisément en des voies de spiritualisme ; car, sur ce point, j'étais distrait et égaré plutôt que déserteur. Une vérité entre autres m'y toucha sensiblement, et fit révélation en moi ; C'est l'endroit où il est dit que “ l'homme naît et vit dans les pensées ”.

Bien des vérités qu'on croit savoir de reste et tenir, si elles viennent à nous être exprimées d'une certaine manière imprévue, se manifestent réellement pour la première fois ; en nous arrivant sous un angle qui ne s'était pas rencontré jusqu'alors, elles font subitement étincelle.

Ainsi ce mot opéra à l'instant sur moi, comme