Page:Sainte-Beuve - Volupté.djvu/175

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conduite où j'étais.

Lorsqu'il écrit à son jeune ami Hippolyte sur la gloire et sur les plaisirs ?, je l'entendais, le philosophe de trente ans, dévoré, mûri, comme Pascal, par la douleur, et de jour en jour plus chrétien, je l'entendais m'adresser d'un ton enchanteur ces conseils, qui pourraient non moins justement trouver leur sens, de moi à vous : " Vous avez une erreur plus douce, mon aimable ami, oserai-je aussi la combattre ? Les plaisirs vous ont asservi ; vous les inspirez ; ils vous touchent ; vous portez leurs fers. Comment vous épargneraient-ils dans une si vive jeunesse, s'ils tentent même la raison et l'expérience de l'âge avancé ? Mon charmant ami, je vous plains : vous savez tout ce qu'ils promettent et le peu qu'ils tiennent toujours... Vous n'ignorez pas quel dégoût suit la volupté, quelle nonchalance elle inspire, quel oubli profond des devoirs, quels frivoles soins, quelles craintes, quelles distractions insensées ! " Je savais par cœur cette phrase, je me la redisais souvent avec les mêmes inflexions de mélancolie, qu'autrefois, enfant, je mettais aux vers de Properce. Je rougissais de confusion à ces graves paroles, aussi complaisantes que celles d'une mère. Et si, s'adressant encore à son jeune ami, il lui écrivait au sujet de la gloire : " Quand vous êtes de garde au bord d'un fleuve où la pluie éteint tous les feux pendant la nuit et pénètre dans vos habits vous dites :

Heureux qui peut dormir sous une cabane écartée, loin du bruit des eaux ! Le jour vient, les ombres s'effacent et les gardes sont relevées, vous rentrez dans le camp ; la fatigue et le bruit vous plongent dans un doux sommeil, et vous vous levez plus