Page:Sainte-Beuve - Volupté.djvu/223

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même des rechutes l'a dit après l'Ecriture : La continence est un don. Volonté et Grâce !

C'est en ces moments que j'ai senti le plus votre éternel mystère s'agiter en moi, mais sans le discuter jamais. Et pourquoi l'aurais-je discuté ? pierre d'achoppement pour tant de savants et saints hommes, ce duel, l'avouerai-je ? à titre de mystère ne m'embarrassait pas. Toutes les fois que je tombais ainsi net, sans qu'il y eût rien prochainement de ma faute, je me sentais libre, responsable encore ; il y a toujours dans la chute assez de part de notre volonté, assez d'intervention coupable et sourde, et puis d'ailleurs assez d'iniquités anciennes ou originelles, amassées, pour expliquer et justifier aux yeux de la conscience ce refus de la Grâce. Toutes les fois au contraire que je réussissais à force de soins et de peine, je ne sentais pas ma volonté seule, mais je sentais la Grâce favorable qui aidait et planait au-dessus, il y a toujours dans la volonté la plus attentive et la plus ferme assez de manque et d'imprudence pour nécessiter, en cas de succès moral, l'intervention continue de la Grâce. C'est comme une lisière, j'oserai dire, qu'on attache aux enfants, quand ils sont presque déjà en état de marcher. S'ils vont et ne tombent pas, même sans que la lisière les ait retenus. C'est toujours que cette lisière était là, flottante derrière eux, et que leur marche la sentait confusément comme un appui ; s'ils tombent jusqu'à se blesser, c'est que, la lisière se relâchant à dessein, ils ont trop compté sur eux et ne l'ont pas assez tôt redemandée ; c'est qu'ils ne se sont pas assis d'eux-mêmes à temps, sans bouger, et en se faisant tout petits. Tant que l'homme est sur terre, il est toujours ainsi sur le point de marcher seul ; mais, s'il marche sans choir, il ne marche jamais en effet qu'avec ces lisières d'en haut. Les plus saints sont ceux qui vont si également et si agilement, qu'on ne sait, à les voir de loin s'ils marchent grâce à la vélocité