Page:Sainte-Beuve - Volupté.djvu/228

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protestations animées et cent fois réitérées... On se recherche l'un l'autre. Il n'y a presque point de jour où l'on ne passe plusieurs heures ensemble. On se traite familièrement, quoique toujours honnêtement. On se fait des confidences.

Souvent même le discours roule sur des choses de Dieu. ” Et le feuillet, à chaque ligne, me montrait ma ressemblance, et je m'arrêtais convaincu. Oh ! oui, m'écriai-je, oui, vous avez dit vrai ; vous aussi, vous saviez cela, Directeur austère ; d'où ces secrets, que je croyais à moi seul, vous sont-ils venus ? Oui, l'on parle des choses de Dieu, de celles mêmes qui sont le plus obscurcies en ces moments, de la mort des désirs, du sacrifice des sens et de la vigilante chasteté ? et, tandis qu'on en parle si bien, la malice en nous qui, à notre insu, veut séduire, séduire celle qui écoute et séduire nous qui parlons, nous suggère parfois aux paupières d'abondantes sources de larmes, qui, en se mêlant à nos paroles, ne font que les rendre plus mélodieuses. Mais disons alors : Si elle était moins jeune et moins belle, et moins attentive au son de notre voix, aimerions-nous tant, durant de longues heures à lui parler de sacrifice, d'amitié discrète et de célibat inviolable ?

Serions-nous tant sujets à pleurer près d'elle, si elle était moins sujette à en pleurer ?

En revenant aux pensées du moraliste chrétien, j'y trouvais :

“ Comment, si près de la flamme, n'en ressentir aucune atteinte ? Comment, dans un chemin si glissant, ne tomber jamais ? Comment, au milieu de mille traits, demeurer invulnérable ? Est-il rien qui nous échappe plus vite que notre esprit, rien qui nous emporte avec plus de violence que notre cœur, rien qui nous soit plus difficile à retenir que nos sens, ? ” Pères, Docteurs, Orateurs. Vous qui éclatiez dans la chaire ou qui vous taisiez par vœu, anciens solitaires des déserts