Page:Sainte-Beuve - Volupté.djvu/348

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que je ne me rappelle pas, mais qui avait ce sens : Christus natus est, Christus surrexit ; peut-être même étaient-ce là les paroles.

A cinq heures et demie, on descendait dans une salle commune où l'on faisait à genoux la prière, et ensuite on restait en méditation, soit debout, soit à genoux, soit même assis, si l'on se sentait faible. La règle générale était d'être alternativement un quart d'heure à genoux et un quart d'heure debout, et l'horloge placée au milieu de la maison frappait fidèlement les quarts pendant le jour et la nuit. Cet exercice durait une heure dans sa totalité. A six heures et demie, on allait entendre la messe à la chapelle, qui se trouvait au milieu du jardin, de sorte qu'en été on traversait à la file et silencieusement les parterres et les allées couvertes, qu'embaumait l'air du matin, tous vêtus de surplis blancs.

On rentrait dans sa cellule à sept heures. Là, seul avec ses livres, sa table étroite, sa chaise, son lit modeste, on mettait de l'ordre dans ce petit domaine pour le reste du jour, car la plupart des séminaristes faisaient eux-mêmes leur chambre. Je la faisais moi-même, mon ami ; j'y gagnais de concevoir mieux la vie du pauvre, et reporté en idée à tant de chétives existences, à tant de mains laborieuses s'agitant en ce moment, comme les miennes, dans les galetas misérables des cités, je me prenais de pitié pour la grande famille des hommes, et je pleurais. Ces soins de ménage étaient courts ; on étudiait ensuite à son gré. Une fois dans sa cellule, chacun était maître et ne relevait plus que de sa conscience. Je retrouvais là, devant mon crucifix, toutes mes pauvres chambres d'autrefois, redevenues éclaircies et pures, tous mes vœux de chartreuse exaucés.

Ce passage perpétuel de la vie de communauté à la vie solitaire, de la règle absolue à la liberté, avait beaucoup de charme ; le double instinct de l'âme, qui