Page:Sainte-Beuve - Volupté.djvu/385

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douleurs aient cela du moins de fécond en nous, de nous guérir des fausses et des stériles !

“Tout ce désordre dans les résultats humains, cette inégalité dans les sorts et dans les chances, ce guignon du hasard que vous accusiez ici, il y a sept ans, tout cela n'est tel que parce que la révolte de la volonté le crée et l'entretient. Je ne voudrais d'autre preuve que le mal a été pour la première fois introduit au monde par la volonté en révolte de l'homme, que de voir combien ce mal, tout en persistant dans son apparence, cesse en réalité, se convertit en occasion de bien, s'abaisse à portée de la main en fruit de mérite et de vertu, sitôt que le front foudroyé s'incline, sitôt que la volonté humaine se soumet. Le complément universel de toutes nos insuffisances, le correctif de toutes les inflictions, la concordance de tout ce qui jure et crie, la lumière dans le chaos, c'est de vouloir en un sens et non dans un autre, c'est d'accepter ; - oui, c'est de vouloir la douleur, la mort, et ce qui est pire pour certaines âmes, l'obscurité, l'injustice, la méconnaissance. Tous ces maux n'existent véritablement plus dès qu'on les veut, ou du moins ils n'existent que pour devenir des sources guérissantes dans leur amertume. Rendez-vous un peu compte, marquis, et voyez si, à le bien prendre, vous n'auriez pas lieu de bénir et de louer peut-être, précisément pour n'avoir pas réussi au gré de vos désirs. Car, que seriez-vous vraiment, si vous aviez réussi et surgi, si ce monde où vous vouliez mettre le pied s'était laissé aborder par vous, si vous y aviez saisi le rôle important que rêvait votre jeunesse ? L'écueil de tous les grands caractères de votre sorte, une fois engagés dans la pratique, quel est-il ? La duplicité forcée envers les hommes, l'astuce dans les moyens, l'excès par enivrement, le prétexte des raisons d'Etat. Vous rougissez, pardon ! c'est qu'au lieu de cela vous avez gardé la grandeur et la simplicité des voies non fréquentées,