Page:Sainte-Beuve - Volupté.djvu/50

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secret des faibles et prétentions d'un chacun. Ce qui de loin m'avait paru une initiation considérable, n'était, vu de près qu'un jeu assez bruyant dont les masques me divertissaient par leur confusion quand ils ne m'étourdissaient pas. Il n'y avait que le marquis de supérieur parmi ces hommes chez qui, pour la plupart, l'étroitesse de vues égalait la droiture :

Je m'attachais à lui de plus en plus.

Mes courses à la Gastine s'étaient ralenties, bien que sans interruption et avec tous les dehors de la bienséance.

J'avais une excellente excuse de mes retards dans ma fréquentation de M. de Couaën et mon assiduité à ses conciliabules ; la conformité de principes et d'illusions politiques faisait qu'on ne me désapprouvait pas. Mademoiselle de Liniers dans sa délicate fierté, jouissait intérieurement de ma réussite auprès du personnage le plus autorisé du pays, et, comme les femmes qui aiment, mettant du dévouement aux moindres choses elle sacrifiait avec bonheur le plaisir de me voir aussi souvent que d'abord à ce qu'elle croyait le chemin de mon avancement.

Nos conversations même entre nous seuls en quittant par degrés le crépuscule habituel et les confins de nos propres sentiments étaient devenues variées moins à voix basse, plus traversées de piquant et d'éclat : l'abondante matière que j'y apportais du dehors ne les laissait pas s'attendrir ou languir. Je faisais donc d'amusantes peintures des personnages, et de leurs conflits d'amour-propre, et des fausses alertes où ils donnaient ; j'en faisais de nobles de M. de Couaën et de son sang-froid toujours net au milieu de ces échauffements. Si je me taisais de la marquise, mademoiselle de Liniers se chargeait de rompre mes faibles barrières sur un sujet qui l'attirait par-dessus tous les autres.

L'apparence de la jeune femme, le caractère de sa beauté (ne l'ayant jamais rencontrée jusque-là), son attitude et l'emploi de ses heures dans des compagnies si en