Page:Sallust - Traduction de Jean Baudoin, 1616.djvu/227

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

il en faut laiſſer le ſoing à vn chaſcun en particulier. L’on ne vous requiert ny d’ordonner des peines cruëlles, ny de faire des Edicts rigoureux, leſquels apportent plus de ruyne que d’amendement à la ville ; mais bien d’empeſcher que la ieuneſſe ne ſoit ſi deſbauchee ny ſi ardente en ſes appetits deſreiglez. Par ceſt acte de clemence, vous mettrez ordre que vos Citoyens ne ſoient chaſſez injuſtement hors de leur patrie. Vous les tirerez hors des deſbauches, & des vaines voluptez. Bref vous rendrez aſſeurée la concorde & la paix. Au contraire ſi vous eſtes fauorable à leurs meſchancetez, & enclein à ſupporter leurs fautes, vous leur cauſerez vne joye preſente & de peu de duree, auec va mal qui ne tardera gueres à fondre ſur eux.

Or ce qui donne de la peur aux autres m’apporte de l’affeurance à moy. Ie me reſiouys de ce qu’il faut que vous rendiez vniuerſelle la paix par mer & par terre. Car vn ſi bel eſprit que le voſtre ne peut ſe raualer à des choſes baſſes. D’ailleurs, il n’eſt point de grande charge dont le ſalaire ne ſoit encore grand.

Il vous faut donc faire en ſorte que le menu peuple (qui ſe laiſſe corrompre pat largeſſes, & par le moyen du bled qu’on luy faict donner) ne faſſe point ſes affaires au prejudice de tout le public ; que la ieuneſſe ne ſoit plus ſi prodigue, ny ſi auide apres les biens de fortune ; & qu’elle s’addonne à des actions où l’induſtrie & la bonté ſe mettent en euidence.

Ne doutez point que cela n’aduienne ſi vous oſtez la maudite conuoitiſe de l’argent, qui ſe tournant en vſage eſt le plus grand de tous les maux. Car toutes les fois que ie conſidere attentiuement par quels moyens les hommes Illuſtres ont eſleué leur fortune ; quelles choſes ont augmenté le nombre des plus grands Chefs parmy diuers peuples, & d’où vient que des Royaumes & des Empires fort amples ſont tumbez en decadence, ie treuue touſiours les meſmes biens, & les meſmes maux, à ſçauoir que les richeſſes ont eſté meſpriſees par les vaincueurs, & deſirées par les vaincus. Auſſi nul ne peut s’eſleuer autrement, ny comme mortel atteindre aux choſes diuines, s’il ne quitte les plaiſirs du corps, & le chatouilleux appetit de l’argent. Il ne faut pas qu’il mette le contentement de l’eſprit, ny à le flatter par trop, ny à luy bailler tout ce qu’il deſire, ny à luy faire treuner aggreable vne dommageable faueur, mais bien qu’il le cherche dans les exercices du trauail, de la patience ; des bons enſeignements, & des actions de vertu. Car baſtir vne maiſon à la ville