Page:Sallust - Traduction de Jean Baudoin, 1616.djvu/238

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ces troubles, ou peu s’en faut, que les vns empeſchez aux Iugemens publics, les autres à leurs propres affaires, ou à celles de leurs amis, n’ont daigné aſſiſter aux Arreſts, ny aux Conſeils de la Republique, bien que l’inſolente ambition de commander les ait pluſtoſt empeſchez que leurs propres affaires. D’auantage les Nobles, auec quelques Senateurs, qu’ils ont comme pour adjoints de leur faction, ont appreuué, repris, & ordonné tout ce qu’il leur a pleu de faire, & l’ont mis en execution. Mais le nombre des Senateurs eſtant augmenté, & les opinions baillees dans la tablette, ils poſeront bien-toſt leur orgueil quand ils verront qu’il leur faudra neceſſairement obeyr à ceux auſquels ils commandoient auparauant auec vne eſtrange cruauté.

Il ſe pourra faire, ô Empereur, qu’auffi-toft que vous aurez leu ces lettres d’aduis, vous ordonnerez tel nombre de Sena- teurs qu’il vous plaira, enſemble la diſtribution que vous vou- drez en eftre faicte en plufieurs & diuers offices ; Et parce que ie fuis d’aduis qu’on aboliffe les Iugements du premier Ordre, ie ne doute point que vous n’aduifiez auffi à l’eftat, au nombre, & au rag qu’il y doit auoir en chafque forte de Senateurs. Il m’euft efté fort facile de defcrire tout cecy en general, fi ie n’euffe iugé meilleur de pouruoir premierement aux principales choſes qui font requifes à voft : e confeil, & de vous en faire appreuuer les aduis Que fi vous eftes refolu d’aller par cefte voye, tour le refte vous fera fort facile. Pour moy ce que ie defire le plus eft, que vons treuuiez bon & proffitable ce mien confeil. Toutes les choſes qui vous reüffiront heureufement ne peuuent tourner qu’à mon honneur. En fin, ie ne ſouhaitte autre chofe que de voir la Republique fecourue au pluftoft, & de quelque façon que ce ſoit, car ie prife beaucoup plus la liberté que la gloire.

Ie vous prie donc, vous qui eftes vn fi grand Empereur, & qui auez fubjugué les Gaules, de ne fouffrir que l’inuincible & le fouuerain Empire du Peuple Romain fe confume petit à petit par le temps, & qu’à faute d’en auoir le foing il tumbe en deca- dence. Si telle chofe aduient, affeurez-vous que la nuict. & le iour ne pourront iamais appaifer les inquietudes de voſtre ef- prit. Les fonges, les frayeurs, & les refueries feront les mauuais Genies qui vous trãfporteront hors de vous mefne, & qui vous rendront comme furieux & infenfé. Car ie tiens pour certain que la vie de tous les mortels eft vifitee par vne prouidence di- uine, que le bien ou le forfaict de quelque homme que ce ſoit