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au jardin de l'infante


Mon cœur, tu t’en vas seul dans le bonheur des choses ;
Pourtant l’Espoir frémit dans l’azur du matin.
C’est le temps du travail et des métamorphoses,
Il faut à chaque jour un soir lourd de butin.



L’amour passe au galop dans les forêts obscures,
Triomphal et levant des bras tachés de sang.
Le sang tombe étoilé des virginités mûres
Et l’air tiède des soirs est comme un vin puissant.



Tout se réveille, et vibre, et germe, et se déploie,
Et porte dans le cœur un plein soleil d’orgueil,
Le monde a les couleurs splendides de la joie ;
Seul, je traîne un corps las courbé vers le cercueil.



Seigneur, laissez tomber dans ma coupe tarie
Une goutte, une large goutte du vin d’or !
Mon cœur est un enfant qui désespère et crie...
Seigneur, faites qu’enfin sous ma bouche flétrie