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KOURROGLOU.

preinte de ses pas. Oh ! je baiserai chacun de tes sabots, je baiserai tes deux yeux brûlants. Je remercie Dieu de te revoir, ô mon Kyrat, bonheur de ma vie ; tu es encore à moi. »



Chien pelé, tu vas emporter la peau du cheval. (Page 21.)

Le pacha dit : « Aushik, fais-le galoper encore une fois, je te regarde comme un habile cavalier. » Kourroglou passa deux fois au galop près de l’endroit où était le pacha. « Bien, maintenant donne-le-moi, je veux l’essayer moi-même. — Pacha, tu ne le monteras pas. »

Le pacha se tourna vers Hamza-Beg, et dit : « Ce fou ne veut pas me rendre le cheval. Si c’était Kourroglou lui-même ? » Hamza-Beg répondit : « Comment puis-je le dire ? — N’as-tu donc pas vu le bandit durant ton séjour à Chamly-Bill ? — Je ne l’ai pas vu. Mes yeux aussi bien que mon esprit ont été occupés tout le temps à trouver quelque moyen de dérober Kyrat. Ce Kourroglou a plusieurs milliers de braves guerriers comme lui ; qui pourrait jamais tous les connaître ? » Le pacha, tournant son visage vers Kourroglou, dit : « Allons, amène ici le cheval, je veux le monter maintenant. » Kourroglou dit : « Santé au pacha ! un air me vient dans la tête ; écoute-moi :

Improvisation. — « Une course sur un cheval bai porte toujours bonheur. Le cœur du cavalier met en lui ses délices. Ses genoux sont noirs, son cou vous rappelle le cou du chameau bagyar[1]. Le cœur met en lui ses délices. Quand il marche, son pas est comme le pas du chameau kosahk[2] ; quand il est en bon état, son dos doit être aussi large que sa poitrine, et la distance entre ses jambes de derrière est telle qu’un archer peut s’asseoir entre pour tendre son arc. Le cœur met ses délices en lui. »

Le pacha dit : « Tu deviens trop familier, Aushik. Je t’ai déjà dit que nous en avions assez ; descends. Je désire monter Kyrat moi-même. » Kourroglou sourit avec mépris, et dit :

« Pacha sans cervelle ! je couvrirai ton turban de boue ! Comment peux-tu penser à monter ce coursier ? il a plus d’esprit que toi. » Le pacha dit : « Hamza-Beg, dis-lui de descendre. — Je le lui ai dit, mais il refuse d’obéir. J’ai peur, en vérité, que cet homme ne soit Kourr-

  1. Espèce de chameau très-estimée en Perse.
  2. Autre espèce de chameau.