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LE PICCININO.

ter le nom d’un homme qui n’a été fatal qu’à moi, et qui a fait de grandes choses pour son pays. Mais garde pour celui qui t’a élevé et dont tu as cru jusqu’à ce jour être le fils, le même amour, le même respect que tu lui portais ce matin, noble enfant, lorsque tu lui remettais la dot de Mila, en lui disant que tu resterais ouvrier à son service toute ta vie, plutôt que de l’abandonner !



Il vit une pauvre femme qui mendiait. (Page 123.)

― Ô Pier-Angelo, ô mon père ! s’écria Michel avec une impétuosité qui fit déborder son cœur en sanglots, il n’y a rien de changé entre nous, et le jour où mes entrailles ne frémiraient plus pour toi d’un élan filial, je crois que j’aurais cessé de vivre. »

XLV.

SOUVENIRS.

Agathe était brisée par tant d’agitations et de fatigues. Sa santé était délicate, quoique son âme fût forte, et, en la voyant si pâle, avec la voix presque éteinte, Michel s’effraya. Il commença à ressentir les tendres et poignantes sollicitudes d’un sentiment tout nouveau pour lui. Il avait à peine connu l’amour qu’une mère peut inspirer. La femme de Pier-Angelo avait été bonne pour lui sans doute, mais, outre qu’il l’avait perdue dans un âge bien tendre, elle avait laissé dans sa mémoire l’impression d’une robuste et fière virago, irréprochable, mais violente, pleine de soins pour ses petits, mais parlant haut et frappant fort. Quelle différence avec cette nature exquise, cette beauté suave, cet être poétique qui s’appelait Agathe, et que Michel pouvait admirer comme l’idéal d’un artiste, tout en l’adorant comme une mère !

Il la supplia de se jeter sur son lit, et d’essayer de prendre une heure de repos.

« Je resterai près de vous, lui dit-il ; je veillerai à votre chevet, je serai heureux de vous contempler, et quand vous ouvrirez les yeux, vous me trouverez là.

― Et toi, lui dit-elle, ce sera la troisième nuit que tu auras passée presque sans sommeil. Ah ! que je souffre pour toi de la vie que nous menons depuis quelques jours !

― Ne vous inquiétez pas de moi, ma mère chérie, reprit le jeune homme en couvrant ses mains de baisers. J’ai très-bien dormi le matin, durant ces trois jours ; et,