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SIMON.

grand nombre de villageoises et de vieillards des deux sexes qui venaient régulièrement dire, ce jour-là, les prières des morts pour l’abbé Féline, ils avaient traversé les ombrages du cimetière, et ils montèrent à la travée par la petite porte de la sacristie. Cette fois, Fiamma prit place dans la tribune seigneuriale ; Simon était à ses côtés. Un rideau rouge les cachait à tout autre regard que celui des anges gardiens du saint lieu. Par une fente de ce rideau, Simon vit l’autel étinceler aux rayons empourprés du matin. Tout était prêt pour le service funèbre qui devait être célébré à midi. La piété de Bonne s’était occupée la veille de ces saints devoirs en remplacement de Jeanne, qui, pour la première fois, n’en avait pas eu la force. Le drap mortuaire, avec sa grande croix d’argent, était étendu sur le cénotaphe et semé de violettes printanières. Des lis sans tache, mêlés à des branches de cyprès fraîchement coupées, embaumaient le chœur. Les oiseaux chantaient et voltigeaient autour des fenêtres entr’ouvertes, devant lesquelles on voyait se balancer les branches des arbres émus par la brise matinale. À l’intérieur régnait un religieux silence, interrompu seulement de temps à autre par les pas inégaux d’un vieillard qui entrait avec précaution, ou par le cri d’un enfant que sa mère allaitait en priant.



Et cachant son visage… (Page 39.)

« Ô mon amie ! dit Simon à l’oreille de sa fiancée, quel charme indicible votre présence répand sur cette heure ordinairement si mélancolique dans ma vie ! Quelle promesse de bonheur m’apporte-t-elle donc pour que l’aspect d’un cercueil et le souvenir d’un mort fassent naître en moi des idées si suaves et un calme si délicieux ?

— Tout est beau et serein dans la mort du juste, lui répondit Fiamma ; son départ cause des larmes, mais son souvenir laisse l’espérance et la consolation sur la terre. »

XVI.

Fiamma sortit la première de l’église ; elle n’avait point osé dire à Simon l’indisposition de sa mère, et elle voulait avoir de ses nouvelles par elle-même avant de rentrer au château. Elle la trouva dormant d’un sommeil paisible. Ne se sentant pas la force d’aller à l’église, Jeanne avait fait mettre son livre de prières et son crucifix sur son lit. Le psautier était ouvert au De profun-