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LE PICCININO.

une expression plus bienveillante, quoiqu’un peu suspecte, et, lui tendant la main :



Michel observa que cette situation favorisait… (Page 62.)

« Soyons amis, lui dit-il ; en attendant que nous n’ayons plus d’ennemis sur les bras ; c’est ce que nous avons de mieux à faire. »

Comme Michel était assis à quelque distance, il lui eût fallu se lever pour prendre cette main royalement tendue vers lui. Il sourit et ne se dérangea point, au risque de mécontenter son oncle et de perdre le fruit de sa démarche.

Mais le moine ne fut pas fâché de voir Michel prendre de suite cette attitude vis-à-vis du bandit. Ce dernier comprit qu’il n’avait point affaire à une âme molle, et, se levant avec effort, il alla lui prendre la main en disant :

« Vous êtes cruel, mon jeune maître, de ne point vouloir faire deux pas vers un homme brisé de fatigue. Vous n’avez pas fait vingt lieues dans votre journée, vous, et vous voulez que je parte, quand j’ai pris à peine deux heures de repos !

― À ton âge, dit le moine impitoyable, je faisais vingt lieues le jour, et je ne prenais pas le temps de souper pour recommencer. Voyons, es-tu décidé ? partons-nous ?

― Vous y tenez donc beaucoup ? l’affaire vous intéresse donc personnellement ?

― J’y tiens comme à mon salut éternel, et l’affaire intéresse ce que j’ai de plus cher au monde, aujourd’hui que ton père est dans la tombe. Mon frère est compromis ainsi que ce brave jeune homme, pour lequel j’exige ton amitié sincère et loyale.

― Ne lui ai-je pas serré la main ?

― Aussi je compte sur toi. Quand je te verrai prêt, je te dirai ce qui doit t’allécher plus que l’or et la gloire.

― Je suis prêt. Est-ce un ennemi du pays qu’il faut tuer ?

― Je t’ai dit qu’il n’y avait personne à tuer ; tu oublies que je sers le Dieu de paix et de miséricorde. Mais il y a quelqu’un à contrarier beaucoup et à faire échouer complètement dans ses desseins perfides ; et, cet homme-là, c’est un espion et un traître.

― Son nom ?

― Viendras-tu ?

― Ne suis-je pas debout ?