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LÉLIA.

brillant encore à l’idée d’une occasion de satisfaire sa noble vanité.



J’ai frémi d’être forcée de me retourner. (Page 114.)

— Il s’agit de sauver Valmarina, répondit Lélia. Vous le pouvez ! vous le voulez !

— Je le veux, dit Annibal vivement. Savez-vous, Madame, qu’il y va cette fois de ma vie ? Si j’échoue, je ne suis plus seulement un prince disgracié, je suis un citoyen condamné, ou, pour parler plus simplement, ajouta-t-il en riant, un homme pendu.

— C’est vrai, Monsegneur, j’y ai songé.

— Lélia ! Lélia ! s’écria le cardinal en marchant avec agitation, vous m’estimez beaucoup, j’ai droit d’être fier ! »

Il prononça ces mots avec tristesse ; mais c’était l’expression d’un regret naïf, respectueux et sans arrière-pensée.

« Où est Valmarina ? ajouta-t-il d’un ton décidé.

— De l’autre côté de ce ravin, lui dit Lélia en lui montrant du doigt la direction de la fenêtre.

— On n’est pas sur sa trace… pourtant il n’y a pas de temps à perdre… Il faut qu’il passe la frontière.

— Par la forêt, Monseigneur, vous n’avez que quatre lieues.

— Oui ! mais il lui faut un passe-port !…

— Mais dans votre voiture, avec vous, Monseigneur, il n’en a pas hesoin. »

Le cardinal fit un geste de surprise, puis il sourit. Il était confondu de la manière dont Lélia traitait avec lui de puissance à puissance, tout en lui ôtant le plus léger espoir. Mais cette audace lui plaisait ; elle le jetait dans un monde nouveau, et l’élevait à ses propres yeux.

— Et à quelle heure dois-je être au rendez-vous ? demanda-t-il d’un air joyeux et attendri.

— Il est une personne à qui Votre Éminence peut se fier, répondit Lélia ; cette personne m’a fait savoir ce matin que le proscrit, ne trouvant plus de sûreté dans son asile, se rendrait chez elle ce soir…

— Et quelle est cette personne ?

— Voici son billet. »

Le cardinal prit le billet. « Ma chère sainte, celui que tu appelles Trenmor m’a fait demander un asile pour cette nuit. Il est en danger à l’ermitage, mais il ne sera pas en sûreté chez moi ; tu sais qu’il y vient des personnages qui peuvent le rencontrer et le reconnaître. Je crains surtout… »