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GABRIEL.

briel, est-ce toi ?… As-tu une sœur jumelle ? ce n’est pas possible… mon enfant !…, ma chère !…



Nous sommes trop d’une ici… (Page 18.)

GABRIEL, très-effrayé.

Qu’as-tu donc, Astolphe ? tu me regardes d’une manière étrange.

ASTOLPHE.

Mais comment veux tu que je ne sois pas troublé ? Regarde-toi. Ne te prends-tu pas toi-même pour une fille ?

GABRIEL, ému.

Cette Périnne m’a donc bien déguisé ?

ASTOLPHE.

Périnne est une fée. D’un coup de baguette elle t’a métamorphosé en femme. C’est un prodige, et, si je t’avais vu ainsi la première fois, je ne me serais jamais douté de ton sexe… Tiens ! je serais tombé amoureux à en perdre la tête.

GABRIEL, vivement.

En vérité, Astolphe ?

ASTOLPHE.

Aussi vrai que je suis à jamais ton frère et ton ami, tu serais à l’heure même ma maîtresse et ma femme si… Comme tu rougis, Gabriel ! mais sais-tu que tu rougis comme une jeune fille ?… Tu n’as pas mis de fard, j’espère ? (Il lui touche les joues.) Non ! Tu trembles ?

GABRIEL.

J’ai froid ainsi, je ne suis pas habitué à ces étoffes légères.

ASTOLPHE.

Froid ! tes mains sont brûlantes !… Tu n’es pas malade ?… Que tu es enfant, mon petit Gabriel ! ce déguisement te déconcerte. Si je ne savais que tu es philosophe, je croirais que tu es dévot, et que tu penses faire un gros péché… Oh ! comme nous allons nous amuser ! tous les hommes seront amoureux de toi, et les femmes voudront, par dépit, t’arracher les yeux. Ils sont si beaux ainsi, vos yeux noirs ! Je ne sais où j’en suis. Tu me fais une telle illusion, que je n’ose plus te tutoyer !… Ah ! Gabriel ! pourquoi n’y a-t-il pas une femme qui te ressemble ?

GABRIEL.

Tu es fou, Astolphe ; tu ne penses qu’aux femmes.

ASTOLPHE.

Et à quoi diable veux-tu que je pense à mon âge ? Je ne conçois point que tu n’y penses pas encore, toi !