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CONSUELO.

jardins quelques moments, puis se hasarda dans les galeries, feignant, lorsqu’il rencontrait quelque serviteur, d’admirer la belle architecture du château. Mais, à trois reprises différentes, il vit passer à quelque distance un personnage vêtu de noir, et singulièrement grave, dont il ne se soucia pas beaucoup d’attirer l’attention : c’était Albert, qui paraissait ne pas le remarquer, et qui, cependant, ne le perdait pas de vue. Anzoleto, en le voyant plus grand que lui de toute la tête, et en observant la beauté sérieuse de ses traits, comprit que, de toutes façons, il n’avait pas un rival aussi méprisable qu’il l’avait d’abord pensé, dans la personne du fou de Riesenburg. Il prit donc le parti de rentrer dans le salon, et d’essayer sa belle voix dans ce vaste local, en promenant avec distraction ses doigts sur le clavecin.



Le comte Christian.

« Ma fille, dit le comte Christian à Consuelo, après l’avoir conduite dans son cabinet et lui avoir avancé un grand fauteuil de velours rouge à crépines d’or, tandis qu’il s’assit sur un pliant à côté d’elle, j’ai à vous demander une grâce, et je ne sais pas encore de quel droit je vais le faire avant que vous ayez compris mes intentions. Puis-je me flatter que mes cheveux blancs, ma tendre estime pour vous, et l’amitié du noble Porpora, votre père adoptif, vous donneront assez de confiance en moi pour que vous consentiez à m’ouvrir votre cœur sans réserve ? »

Attendrie et cependant un peu effrayée de ce début, Consuelo porta à ses lèvres la main du vieillard, et lui répondit avec effusion :

« Oui, monsieur le comte, je vous respecte et vous aime comme si j’avais l’honneur de vous avoir pour mon père, et je puis répondre sans crainte et sans détour à toutes vos questions, en ce qui me concerne personnellement.

— Je ne vous demanderai rien autre chose, ma chère fille, et je vous remercie de cette promesse. Croyez-moi incapable d’en abuser, comme je vous crois incapable d’y manquer.

— Je le crois, monsieur le comte. Daignez parler.

— Eh bien ! mon enfant, dit le vieillard avec une curiosité naïve et encourageante, comment vous nommez-vous ?

— Je n’ai pas de nom, répondit Consuelo sans hésiter ; ma mère n’en portait pas d’autre que celui de Rosamunda