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consuelo.

sa conduite, à l’égoïsme de son ambition, aux mensonges et aux reproches dont il avait rempli sa vie et sa conscience.

Il trouva Consuelo dans sa robe noire, devant sa table, aussi sereine et aussi sainte dans son attitude et dans son regard qu’il l’avait toujours vue. Elle courut à lui avec la même effusion qu’à l’ordinaire, et l’interrogea avec inquiétude, mais sans reproche et sans méfiance, sur l’emploi de ce temps passé loin d’elle.

« J’ai été souffrant, lui répondit-il avec l’abattement profond que lui causait son humiliation intérieure. Ce coup que je me suis donné à la tête contre un décor, et dont je t’ai montré la marque en te disant que ce n’était rien, m’a pourtant causé un si fort ébranlement au cerveau qu’il m’a fallu quitter le palais Zustiniani dans la crainte de m’y évanouir, et que j’ai eu besoin de garder le lit toute la matinée.

— Ô mon Dieu ! dit Consuelo en baisant la cicatrice faite par sa rivale ; tu as souffert, et tu souffres encore ?

— Non, ce repos m’a fait du bien. N’y songe plus, et dis-moi comment tu as fait pour revenir toute seule cette nuit ?

— Toute seule ? Oh ! non, le comte m’a ramenée dans sa gondole.

— Ah ! j’en étais sûr ! s’écria Anzoleto avec un accent étrange. Et sans doute… il t’a dit de bien belles choses dans ce tête-à-tête ?

— Qu’eût-il pu me dire qu’il ne m’ait dit cent fois devant tout le monde ? Il me gâte, et me donnerait de la vanité si je n’étais en garde contre cette maladie. D’ailleurs, nous n’étions pas tête-à-tête ; mon bon maître a voulu m’accompagner aussi. Oh ! l’excellent ami !

— Quel maître ? quel excellent ami ? dit Anzoleto rassuré et déjà préoccupé.

— Eh ! le Porpora ! À quoi songes-tu donc ?