Page:Sand - Correspondance 1812-1876, 6.djvu/288

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meurtre), que je vois différent et peut-être plus brutal encore, mais parce que Claude, étant un idéal plus grand que nature, ne devrait pas, selon moi, se démentir. Tuer est un acte de justice humaine, Claude est au-dessus de cette justice-là. Il n’est pas besoin d’être un grand homme pour tuer un chien enragé. Cette besogne-là était le fait d’Antonin, son expiation, sa réhabilitation ; et Claude prenant le fusil aussitôt, disant devant témoins : « C’est moi qui ai tué, c’était mon droit ! » Claude assumant sur lui seul les suites de l’affaire, car il y aura des suites, on ne tue pas un voleur sans en rendre compte, — restait lui-même, c’est-à-dire toujours au-dessus de tout et de tous.

Cela, c’est mon idée, et c’est la manie de tous les auteurs de refaire la pièce à leur guise. N’y voyez qu’une chose, c’est que j’ai pris Claude au sérieux, comme une figure à la Michel-Ange. Césarine aussi est une figure de cet ordre-là, à force de laideur, elle est très belle ; si elle n’était pas capable de tout, elle serait ratée. Pourquoi cette fureur des femmes contre un type si réussi ? Ah ! mon fils, le public n’est pas artiste. Je ne vous dirai pas qu’il faut lui plaire, mais je dis qu’il faut l’entraîner. Il regimbe, mais il en revient.

Je voulais vous en dire davantage. Voilà Flaubert qui arrive. Je vous embrasse pour moi et pour tous les miens. Compliments a tous les vôtres.

G. SAND.