Page:Sand - Correspondance 1812-1876, 6.djvu/391

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le vrai talent, je vous le dirai. Alors vous marcherez dans ce sens, en vous meublant l’esprit et en travaillant la langue, qui est l’instrument mais non le souffle.

Pardonnez-moi de vous contrarier, vous que j’aime tant ; mais, croyez-moi, je vous aimerais mal et en égoïste si je vous disais autrement. Changez votre vie et vos habitudes, si votre milieu vous empêche de travailler. Comment a fait René, qui a étudié son droit à la campagne, auprès de la Châtre, et qui allait passer ses examens à Paris ? Il n’avait pas besoin d’un professeur pour lui mâcher sa besogne. Il la mâchait lui-même avec ardeur. Il voulait arriver, et vous voyez que le gros garçon ne s’en porte pas plus mal.

Vous avez le malheur d’être riche, mon cher enfant ; c’est agréable, mais pernicieux. Songez-y sérieusement. Prenez votre cœur à deux mains et qu’il vous obéisse. Richesse oblige.

Dites-moi que vous voulez vouloir et bientôt vous pourrez vouloir beaucoup. Je vous embrasse tendrement pour moi, pour nous tous. Maurice, à qui je dis que vous êtes un peu découragé, est de mon avis. Il voudrait bien avoir fait son droit, lui ! Il regrette six ans de sa vie qu’il a passés à être malade de croissance. Il voudrait les rattraper.

Dites toutes mes tendresses chez vous.

G. SAND.