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LETTRE V


Passy, 23 floréal an II.

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Le tendre intérêt que tu prends à tout ce que je fais te fait-il deviner l’emploi de ma matinée ? J’ai relu les fables de La Fontaine après avoir parlé de lui avec mon ami de la montagne[1], qui m’en a raconté mille distractions comiques et charmantes. Si on l’avait jugé par ses actions, on l’aurait pris pour un insensé. Ses fables, sur lesquelles je passais rapidement autrefois, sont vraiment remplies de beautés dont je ne m’étais pas douté. Quelle simplicité belle et rare !

Martin arrive dans l’instant et m’apporte du chocolat de ta part. Que tu es donc bonne de penser à cela ! Je suis bien fâché que tu t’en prives pour moi ; je m’en serais si bien passé ! Je voudrais l’avoir eu pour te le donner. Je souffre bien d’être loin de toi. Encore si je te savais heureuse !

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J’ai bien besoin de recevoir de tes nouvelles. Il me semble que je suis éloigné de toi de quarante lieues de plus, depuis que je n’ai plus une lettre de toi tous les jours. J’ai su que tu te portais bien ; mais c’est bien différent de le tenir de toi. Je connais bien les causes qui t’empêchent de m’écrire, et cela n’empêche pas que je sois inquiet sans savoir pourquoi. Enfin, il me faut une lettre pour me

  1. C’était M. Heckel, auteur d’un ouvrage philosophique sur la diplomatie et le droit des gens. Il fréquentait la maison de ma grand’mère, et avait pris le jeune Maurice en grande amitié.