Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 10a13 1855 Gerhard.djvu/119

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ne savait ni latin ni grec, et qu’il n’étudiait ni droit ni médecine. — Et votre père ne s’est pas avisé de penser que ce petit docteur pouvait bien être une femme ? — Vous peut-être ? s’écria Rollinat. — Précisément ! — Eh bien ! de toutes les conjectures auxquelles mon père s’est livré, en s’enquérant en vain du fils de famille que vous pouviez être, voilà la seule qui ne se soit présentée ni à lui ni à nous. Il a été cependant frappé et intrigué, il cherche encore, et je veux bien me garder de le détromper. Je vous demande la permission de vous le présenter sans l’avertir de rien. — Soit ! mais il ne me reconnaîtra pas, car il est probable qu’il ne m’a pas regardée. »

Je me trompais ; M. Rollinat avait si bien fait attention à ma figure qu’en me voyant il fit un saut sur ses jambes grêles et encore lestes, en s’écriant !

« Oh ! ai-je été assez bête ! »

Nous fûmes dès lors comme des amis de vingt ans, et puisque je tiens ce personnage, je parlerai ici de lui et de sa famille, bien que tout cela pousse mon récit un peu en avant de la période où je le laisse un moment pour le reprendre tout à l’heure.

M. Rollinat le père, malgré sa théorie sur l’éducation classique, était artiste de la tête aux pieds, comme le sont, au reste, tous les avocats un peu éminens. C’était un homme de sentiment et d’imagination, fou de poésie, très poète et pas mal fou lui-même, bon comme un ange,