Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 10a13 1855 Gerhard.djvu/227

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l’homme ne peut que proposer ; c’est l’avenir qui dispose. Tel croit être le philosophe le plus avancé de son siècle, qui sera tout à coup dépassé par des événemens et des situations tout à fait mystérieux dans les desseins de la Providence, de même que certains obstacles qui paraissent légers aux plus prudens résisteront longtemps à l’action des efforts humains.

Pour ma part, je n’ai pas eu tout à fait la liberté du choix dans ma conduite privée, en égard à l’emploi des biens qui me sont échus. Placée, par contrat, sous la loi du régime dotal, qui est une sorte de substitution de la propriété, j’ai dû regarder Nohant comme un petit majorat dont je n’étais que le dépositaire, et je n’aurais pu éluder cette loi qu’en faisant l’office de dépositaire infidèle envers mes enfans. Je me suis fait un cas de conscience de leur transmettre intact le mince héritage que j’avais reçu pour eux, et j’ai cru concilier, autant que possible, la religion de la famille et la religion de l’humanité en ne disposant, pour les pauvres, que des revenus de mon travail. Je ne sais pas si je suis dans le faux. J’ai cru être dans le vrai. J’ai la certitude de m’être abstenue, depuis bien des années, de toute satisfaction purement personnelle, de n’avoir rien donné à la vanité, au luxe, à la mollesse, à l’avarice, aux passions que je n’avais pas et que le moyen de les satisfaire n’a pas fait naître en moi. Mince mérite à coup sûr ! Le seul